L'Etranger (Part 4) - In French
Les explications de Faz n’avaient pas été de la plus grande clarté. Au bout de quelques phrases, l’un des inquisiteurs l’avait interrompu d’un « Mensonges ! » brutal. Buenaventura, après avoir pansé la blessure de Lilwenn, s’était relevé et avait plus posément expliqué la situation. Il avait raconté comment il avait repéré le Symbiote grâce à son expérience de Stigmata, comment ils l’avaient suivi et confronté. Il omit simplement de préciser qu’ils avaient croisé des inquisiteurs mais avaient préféré ne pas les alerter.
Deux des inquisiteurs réduisirent en cendres le corps de l’immonde créature pendant que le troisième maintenait en joue les trois vétérans. Les deux agents de la Police de Cumulus restaient en retrait, l’un d’eux relatant la situation à ses supérieurs à travers un communicateur. Une odeur âcre de chair brûlée et d’huile de Ka se répandit dans la rue.
- Evidemment, il y a un risque d’infection, dit un des inquisiteurs à Buenaventura et Lilwenn.
Le propos était lourd de sous-entendu. Buenaventura se demanda s’ils allaient devoir passer les prochaines semaines en quarantaine, ce qui mettrait un frein à leurs plans de retrouvailles sur BII… Lance-flamme au poing, Lilwenn et Buenaventura furent escortés vers la cathédrale Saint Loyola, à quelques minutes de là. Faz suivait, la mine dépitée.
Le bâtiment n’était pas de la dernière fraîcheur, mais n’en était pas moins imposant. Construite d’une pierre noire visiblement différente des néobétons constituant l’essentiel de l’architecture de Cumulus, sa façade était ornée des scènes les plus sombres de la vie du Prophète, comme sa traversée du désert, la défaite de Durago de Cadavus, le tout tempéré par de nombreuses représentations de l’Ascension de Zébulon …
Devant l’entrée de la cathédrale, quelques tentes en tissu plastifié blanc avait été érigées, vision insolite devant la majesté de l’édifice religieux. Lilwenn et Buenaventura furent escortés à l’intérieur d’une de ces tentes tandis que Faz était mené vers la cathédrale elle-même.
Deux hommes équipés de blasters rutilants, qui n’étaient visiblement pas des inquisiteurs, gardaient l’entrée de la tente vers laquelle les deux blessés furent menés. Les inquisiteurs eurent une courte discussion à voix basse, et l’un d’entre eux pénétra dans la tente, suivi de Lilwenn et Buenaventura. Il leur fallut quelques secondes pour comprendre la grimace de dégoût apparente sur le visage du religieux : la tente abritait un trésor de technologie médicale. Même les tentes de support médical sur Stigmata n’étaient pas aussi bien équipées, et la plupart des appareils étaient totalement inconnus des deux compagnons.
Un homme vêtu d’une blouse blanche s’approcha d’eux. Ses cheveux courts et ses petites lunettes rondes le faisaient ressembler comme deux gouttes d’eau aux savants fous du Petit Catéchisme Avestite, ce qui n’était pas pour rassurer. Il adressa les deux blessés d’une voix nasillarde :
- Voici donc nos infectés. Alors comme ça on a fricoté avec un Symbiote… Vous devriez savoir que ce n’est pas raisonnable…
Ni Lilwenn ni Buenaventura ne jugèrent bon de relever. L’homme, un peu déçu, les invita à s’avancer…
- Mais vous avez de la chance dit-il ! Nos avons décidé de faire bénéficier nos amis de l’Inquisition du dernier cri en matière de dépistage génétique.
Il accompagna ces derniers mots d’un geste large vers une sorte de lit métallique situé au fond de la tente. Il était doté d’un couvercle aussi large que le lit lui-même et visiblement conçu pour se rabattre entièrement. Des embouts, des tubes et des seringues de toutes tailles truffaient l’intérieur de couvercle…
- C’est encore un prototype, bien sûr, mais il est efficace à au moins 70%, continua l’ingénieur. Malheureusement, la fonction d’élimination automatique en cas de contrôle positif n’a pas encore été implémentée, il faut encore faire le sale boulot à la main… Mais ce n’est qu’une question de semaines ! Lequel de vous deux aura l’honneur de tester cette merveille en premier ?
- Ne serait-il pas possible de soigner cette jeune femme qui perd beaucoup de sang avant ? demanda Buenaventura d’une voix qui se voulait ferme.
- Ce serait possible, bien sûr, mais je n’aime pas gaspiller des ressources. Si mademoiselle s’avère négative, nous aviserons. Si elle s’avère positive, autant qu’elle soit affaiblie pour l’élimination !
L’homme fit signe à Lilwenn de se déshabiller, et l’inquisiteur détourna le regard. C’est nue comme un ver et couverte de sang qu’elle s’allongea sur l’inquiétante structure métallique. Elle sentait une boule d’appréhension dans sa gorge, et chercha Buenaventura du regard au moment où le couvercle se referma sur elle.
Une seringue lui transperça la base du crâne et instantanément elle sentit qu’elle n’avait plus aucun contrôle musculaire. La douleur, elle, n’était pas éradiquée pour autant… Une multitude de seringues vinrent percer sa peau, prélevant et injectant des substances variées. Des sondes pénétrèrent dans tous les orifices de son corps, analysant divers fluides. Le tout dura quelques douloureuses minutes qui lui parurent une éternité...
A l’extérieur, l’ingénieur avait reporté son attention sur une longue feuille de papier que dévidait une machine bruyante. Il déchiffrait les inscriptions au fur et à mesure. Finalement, il fit un signe de la tête à l’inquisiteur et pressa une série de boutons sur la machine. Un bruit de pression relâchée se fit entendre et le couvercle se rouvrit lentement. Tant bien que mal, Lilwenn se redressa et descendit du lit, titubante.
La batterie de tests n’avait pas amélioré son état de santé et sa blessure au ventre s’était remise à saigner abondamment. L’ingénieur s’approcha avec quelques instruments et prévint :
- Ca va faire un peu mal, mais ça ne durera pas longtemps.
Muni d’une pince, il entreprit d’extraire la barre métallique qui était restée fichée dans le ventre de la jeune femme. Elle eût beau serrer des dents, Lilwenn ne resista pas à la terrible douleur que cela lui occasionna : elle poussa un gémissement et tourna de l’œil. L’ingénieur la déposa sur un lit de camp, toujours nue, nettoya rapidement la plaie et, se tournant vers l’inquisiteur, il lui tendit une seringue pleine d’un liquide mauve.
- Tenez mon frère, injectez ça dans une veine abdominale. Il faut que je m’occupe de notre autre patient. Allez jeune homme, déshabillez-vous !
L’inquisiteur prit la seringue, mais il n’osait pas faire face à la nudité de Lilwenn. Il hésitait, visiblement mal à l’aise. Finalement, l’ingénieur, apercevant son trouble lui dit d’une voix cinglante :
- Que se passe-t’il mon frère, vous n’avez jamais vue une femme nue ? Reprenez-vous ! C’est de médecine qu’il s’agit, pas d’érotisme !
Finalement, l’inquisiteur injecta le sérum à Lilwenn, et la couvrit d’un drap. Quelques instants plus tard, elle reprit conscience. Pendant ce temps, Buenaventura, pâle et hésitant, s’était placé dans la machine de tests. Il poussa un cri lorsque la seringue entra dans sa nuque, et manqua singulièrement d’appréciation pour le miracle de technologie que furent les minutes qui suivirent.
Enfin, il fut lui aussi libéré de la machine. L’ingénieur lui injecta du sérum mauve aux alentours de sa blessure, et il sentit une douce torpeur régénératrice envahir son bras.
- Eh bien, c’est une bonne nouvelle, dit-il. Vous ne semblez pas infectés ! Vous avez de la chance : si nous n’avions pas eu cette machine à disposition, je ne sais pas si nos amis en noir vous auraient laissé le bénéfice du doute...
- Assez de bavardages, coupa l’inquisiteur d’une voix qui avait repris de l’assurance. Suivez-moi pour l’interrogatoire !
Hors de la tente, deux nouveaux membres de l’Inquisition attendaient nos amis, qui furent escortés dans une pièce du sous-sol de la cathédrale et purent retrouver Faz qui les y attendait, toujours aussi dépité. Il jeta un oeil vers ses amis, les questionnant silencieusement sur leur état, et un déni de la tête de Buenaventura le rassura quelque peu. Ils furent tous trois assis sur un banc inconfortable. Trois inquisiteurs se tenaient derrière eux, armes prêtes à l’action, et un quatrième vint s’asseoir devant eux.
- Je me présente. Je suis le diacre Torkmad du Temple Avesti, dit-il.
Un lourd silence flotta dans la pièce...