[Eberron] Les Ombres Vives


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Gez

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1. Introduction

La nuit tomba langoureusement sur Sharn, réveillant les multitudes de lanternes qui parsèment les tours de la ville. Dans les degrés inférieurs de la Tour des Choucas, non loin de l’université Morgrave, le patron du Bouclier d’Argent réajustait les miroirs entourant l’une des lampes éternelles de son perron, puis rentra pour servir les rares clients à cette heure.

Encore quelques dizaines de minutes et la salle s’animera, mais pour l’instant tout était calme. Dans un coin, trois personnes discutaient tranquillement autour d’une bonne bière de pomme halfeline.

Il les connaissait bien, ceux-là, puisqu’il les a vu s’élever en quelques mois à un niveau de respectabilité dans le milieu, ceux qui travaillent des deux côtés de la loi.

Jurnol le tavernier s’approcha d’eux.

«Voilà des ombres qu’il me plaît de voir chez moi ! leur lança-t'il sympathiquement. Alors, sur quel travail êtes-vous ces derniers temps, si le révéler n’est pas trop indiscret ?»

Et le gros homme, dont le tablier de vin repose sur une agréable panse de bon vivant, sourît à ses clients.

Avec un léger sourire, la plus menue des "ombres" répondit:

«Un gros coup, quelque chose de difficile, qui va nous demander tout nos talents de tact, subtilité, et diplomatie. Je ne sais pas si c'est raisonnable de t'en dire plus, mais voilà, il va nous falloir convaincre un tavernier de notre connaissance de rallonger notre ardoise sans protester !»

La plus jeunes des "ombres" sourît à l'aubergiste et continua:

«Bien sûr, vous savez que nous pouvons nous montrer charmant dans ce genre de discussions, et nous sommes de bonne compagnie -- le plus souvent -- donc je pense que ce tavernier, homme aimable s'il en fut, ne sera pas trop regardant sur un léger délai ?»

Et fait clin d'oeil complice à l'aubergiste.

La plus ambigue des ombres, connue à l'auberge sous l'indentité d'Eileen Volystère, mais étant en réalité Côme le Changelin, ajouta alors:

«Et enfin, il est évident que tout ce que nous pourrions gagner reviendrait ainsi dans le circuit de consommation de notre compagnie, ce qui comprend bien sûr nourriture et boissons. Alors pourquoi changer de bonnes habitudes ?»

Et elle sourit en battant des cils. Elle essaye de deviner le motif de la curiosité du tavernier.

Mais il ne semblait pas avoir vraiment d'idée derrière la tête, enfin, on ne savait jamais avec lui... Néanmoins, la paranoïa de Côme se dissipa vite.

«Ho hé bien, dît-il en grommelant, je suppose que des bons clients comme ce groupe-là, je ne devrais guère en avoir de plus fidèles ! Mais bon, les bons comptes ne font pas d'ennemis, comme on dit en Aundair, aussi ce n'est qu'une situation temporaire» conclua-t'il en distribuant des clins d'oeil entendus.

Il s'éloigna pour servir d'autres clients qui venaient de rentrer, des travailleurs nains d'une des guilde de transporteurs aériens, puis revint.

«Au fait, un type de la maison Kundarak est venu me voir tout à l'heure, une histoire de concurrence à régler. Je ne me suis pas permis de vous mettre là-dedans sans votre accord, mais je sais qui contacter si besoin est. Enfin, si vous êtes sur un gros coup...»

Côme se pencha vers ses camarades une fois l'homme gras reparti.

«Pensez-vous qu'il soit sûr de passer par ce tavernier ? Evidemment, il est plutôt conciliant, mais peut-être n'est-ce pas très sûr de mélanger détente et travail... Aurions-nous une autre piste pour une affaire ? J'ai vraiment besoin d'argent si je veux installer mon laboratoire... Et bientôt j'aurai assez étudié pour connaître les bases de la fabrication des baguettes magiques, dont celles qui ne s'usent jamais. On en profiterait tous, n'est-ce pas ?»

Sur, ce, son apparence toujours aussi indécise que son attitude, Côme se frotta le nez pensivement, tordant son appendice nasal dans des formes étranges... Puis Parabelle, la gnome, mieux connue sous son diminutif de Parab', prit parole.

« Ah, ça m'a bien plu de vous voir reprendre ma petite blague, tous les deux. Et de toute façon, c'est vrai qu'un jour supplémentaire de consommation "gratuite", c'est pas plus mal, je suis à sec moi aussi. Cette histoire de maison Kundarak pourrait être intéressante. »

«Certes, renchérit Karmakadh le Kalashtar, une rentrée d'argent serait fort appréciée. surtout qu'il nous faudrait établir quelques "caches" sûres et approvisionnées pour faciliter nos affaires.»

Une pause, puis il reprît:

«Quand à l'aubergiste, si tu doutes de lui, je peux toujours m'arranger pour qu'il nous reste dévoué... Et puis j'aime bien les histoires de concurences: il faut savoir être convainquant et diplomate. du moins dans la première approche! et on en apprends souvent beaucoups sur le client et ses raisons en "discutant" avec lesdits concurrrents. ce qui peut toujours se révéler utile, non ?»

Côme n'émit aucune réticence. Parab' hêla le tavernier, une fois qu'il repassa à proximité:

« Oh, l'ami, quelques détails n'engagent à rien, et peut-être que cette offre se révèlera intéressante. Je suis curieuse d'en savoir plus. Comme d'habitude, » ajouta-t'elle avec un grand sourire.

L'aubergiste revint alors en apportant une tournée de bière fraîche.

«D'après ce que je sais, un agent de la maison Kundarak, spécialisé dans la prise de contrôle des banques n'appartenant pas à la maison, aurait eu maille à partir avec un groupe "secret" de financiers, qui l'aurait empêché de mener à bien ses missions. Je suppose qu'il a besoin de gens pour régler ce problème...»

Les trois ombres hochèrent la tête de concert d'un air entendu, et laissèrent Jurnol vaquer à ses occupation avec d'autres clients.

«Voilà qui me semblerait plus intéressant. Il s'agirait d'aider ici une maison contre un groupe de gens ayant beaucoup d'argent. Si l'on remet ceci en simplifié : aider argent contre argent, recevoir argent + piller argent.»

Après cet exposé magistral, les yeux de Côme brillèrent et semblèrent grandir.

«Qu'attendons-nous ? demanda-t'il en souriant. Je sais, ce n'est peut-être pas prudent, ajouta-t'il d'un ton plus froid, aussi devrions-nous enquêter sur tout cela avant de s'engager...»

Son enthousiasme était partagé par Karm:

«Je suis moi aussi d'avis de nous occuper de cette affaire: aider une grande maison se révèle toujours utile. Si on effectue une petite enquête avant, signalons déjà que nous pourrions être intéressé, histoire de ne pas se faire voler cette occasion - ce qui serait un comble au vu de mes premiers pas dans notre domaine d'activité.»

Parab répondit:

«Bon, on est tous d'accord, alors. Je ne vois pas pourquoi vous vous méfiez de l'aubergiste, mais si vous voulez, je pourrai lire dans ses pensées pendant que l'on lui parle de cette histoire et du contact qu'il faut joindre pour prendre l'affaire... S'il pense à des choses qu'il ne veux pas nous dire, je le saurais.»

Puis elle lança son sort, et attendit que Jurnol revienne pour répondre à d'autres questions. Pendant que les autres ombres apprennaient que le commanditaire, qui était venu au matin, portait un insigne discret de la maison Kundarak et qu'il avait négligemment mentionné qu'il repasserait le lendemain matin. Parab, pendant ce temps, ne détectait pas de tromperie dans l'esprit du tavernier. Il comptait que la générosité des Ombres une fois leur poches pleine après la mission lui rembourserait avantageusement ce crédit. L'homme de la maison Kundarak l'intimidait, ayant plus l'allure d'un aventurier roué que d'un simple clerc ou du quidam moyen.

A nouveau entre eux, le trio recommença ses manigances. Côme posa sa chope et dit :
«Peut-être pourrait-on enquêter sur cet homme avant demain matin, pour une première rencontre ? Des idées de départ ? Cela me semblerait incongru d'aller au siège de la maison et d'y demander de but en blanc quelques renseignements...»
«Et comment comptes-tu faire pour te renseigner ? Sans lui donner la puce à l'oreille ? On n'a même pas son nom. Si tu as des idées, je veux les entendre.»
«C'est pour cela que je demandais, espèce de gnome ! Je ne connais guère la maison Kundarak, on pourrait se renseigner sur leurs pratiques. Ça ou boire toute la nuit... Quoique, j'irai bien dans les bas-fonds, pour truquer les combats en douce. Hin-hin-hin...»

Pendant que ses amis se chamaillaient, Karm se creusa la cervelle pour se souvenir des enseignements de son mentor sur la famille en question, et sur les rumeurs fournies par ses relations, à tous niveau. Mais il n'obtint rien d'autre qu'un léger mal de crâne, il avait sans doute trop bu pour se concentrer efficacement. C'était des banquiers nains, mais après ?

Parab regarda par la fenêtre vers le ciel de la cité, cet horizon vertical où se perdait les flèches des tours.
«Bon, autrement dit, personne n'a d'idée sur comment procéder. Donc autant attendre demain. Faire la fête, je suis pas contre, mais il ne faut pas oublier que l'on devra être frais et dispos demain matin, sinon on va passer pour des clochards... Il n'y avait pas de duplicité de la part du tenancier, je vous disait bien qu'il ne me semblait pas malhonnête. Le gars de Kundarak l'avait impressionné, c'est sans doute pas un bleu. La mission sera donc sans doute risquée ou compliquée pour qu'il ne la fasse pas tout seul.»

Ils restèrent perdus dans leur pensées pendant longtemps, et se préparait à se lever pour partir lorsqu'un homme entra dans la taverne. Habillé d'une livrée brune brodée aux armoiries d'une maison noble de Brélande, il se dirigea vers le comptoir, demanda un verre à l'aubergiste et s'enquit auprès de lui :

«Il paraît que vous connaissez des gars pas très nets, avec un nom comme les Sombres Filles, ou les Nombres de Vies, quelque chose comme cela ?»
 

Gez

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2. Les choses s'emmêlent.

Après une question muette de la part de son maître, Inu, le psycristal de Karm, lui fit savoir qu'à cause d'un des plis de son vêtement, il n'a pu voir le blason assez longtemps. Il en profita pour rappeler aigrement à Karm qu'une maison noble n'était pas une maison dracomarquée. Peut-être s'agissait-il du même homme, mais en tout cas il n'a vait pas le même vêtement. Et il continua à ronchonner sur le manque de jugeotte des esprits dormeurs... Nullement rassuré par les piques de son copain le caillou, Karm murmura:

«Certains indices tendent à recommander à a prudence: il ne s'agit nullement de l'employeur dont nous discutions. Ce pourrait-il qu'il s'agisse de l'autre partie ? Cela serait en ce cas facheux de nous faire connaître. Côme, ne pourrais tu pas changer quelque peu pour, le cas échéant, fourvoyer ce client inopportun ? Sinon je peux essayer de le convaincre qu'il ne nous cherche pas.»

«Minute, intervint Parabelle, s'il s'agit de l'autre partie, pourquoi nous chercheraient-ils déjà, alors que l'on n'a même pas été contacté par le Kundarak ? C'est pas clair, cette embrouille. Dommage que j'ai déjà utilisé ma détection de pensées car je suis très curieuse de savoir ce qu'il y a dans la tête de cet individu... Dans l'immédiat, la seule façon d'en savoir plus, c'est de l'écouter, on fait signe à l'aubergiste ?»

Côme croisa lentement les doigts.
«Un client n'est jamais inopportun, mes amis. Mieux vaut voir ce qu'il propose. Peut-être cela n'a-t-il pas de rapport avec la maison Kundarak...»

Et il hocha rapidement la tête à l'adresse de Jurnol, qui dirigea alors l'inconnu vers la table des aventuriers. Sa mine rongée par le tracas, il déclara, un peu timidement:

«Il paraît que vous avez de bonnes prédispositions à l'enquête, à ce qu'on m'a dit. Est-ce que les enquêtes de cambriolage font partie de vos compétences ? Nous a besoin d'avis d'experts...»

Le visage assez creusé, de corpulence mince, il n'avait pas l'air habitué à fréquenter de tels établissements et tentait de cacher quelque peu son identité, recouvrant sa livrée à l'aide de sa cape de voyage. Karmakadh parvint néanmoins à identifier qu'il s'agissait de la maison noble Céralir, une famille mineure (n'ayant pas de siège au conseil royal) qui s'était fortement enrichie dans les vingt dernières années de la guerre en exploitant des mines, utilisant des kobolds et gobelins, aujourd'hui payés mais esclaves avant, pour extraire les métaux. Ces derniers temps, elle extrayait plutôt le cuivre, fort utilisé dans les bâtiments.

Côme/Eileen se redresssa légèrement pour saluer et invita l'étranger à s'asseoir.
«Peut-être en effet pourrions-nous être utiles à votre maître. Mais qui est-il ? Et que pouvez-nous nous dire maintenant sur ce cambriolage ? Je me doute que vous n'êtes pas autorisés à divulguer tous les détails sans garantie de notre part, mais il nous faudrait quelques éléments pour nous convaincre de nous mettre à votre service. N'est-ce pas, mes chers collègues ?»

«Très juste, sur quoi la maison Céralir souhaite nous voir enquêter ?» Lança d'un ton aimable Karm. «Ne soyez pas étonné, dans notre domaine d'activité, il est bon d'être bien renseigné.»

L'homme était visiblement confondu d'avoir été si rapidement percé à jour. Il s'en étrangla dans son verre avant de se reprendre.
«En fait, mon maître, l'un des neveux du patriarche de la famille, a récemment déterré dans l'une de ses mines de cuivre un ensemble de ruines gobelines, apparemment très anciennes, notamment un site funéraire. Il a fait fermer la mine et a placé les objets cérémoniels récupérés dans le coffre-fort de sa demeure. Or il y a deux jours, quelqu'un de visiblement très informé a tenté de pénétrer dans la demeure. Il n'a semble-t-il pas réussi à passer la porte du coffre. Mon maître aimerait en savoir plus sur ce vol, dans la mesure où ce coffre était très secret et la plupart du temps vide, mais qu'il a été attaqué ainsi à peine un jour après avoir été rempli...»


Côme, toujours sous l'apparence d'Eileen, prit la parole :
«Je crois parler au nom de toutes les Ombres Vives en vous disant que nous sommes intéressés par cette affaire. Mais dites-nous en plus sur deux aspects : la paie, bien sûr, mais parlez-moi aussi de ces objets placés dans le coffre...»

Karm s'interrogea:
«Des ruines anciennes dites-vous? pourraient-elles remonter à l'époque de l'empire gobelin ?»

Sur un ton très professionnel, la petite gnome avança:
«J'ai déjà quelques hypothèses qui pourrait expliquer cet apparent mystère, et qui donnerait une piste pour l'investigation... C'est très simple, en fait. Combien payez-vous et pourriez-vous nous arranger des entrevues avec les membres de l'équipe qui a déterré ces reliques ?»

«Pour ce qui est de vos honoraires, mon maître sait se montrer généreux, répondit le domestique. Il vous paiera 200 pièces d'or si vous identifiez l'apprenti cambrioleur, et augmentera substantiellement la somme si vous déterminez la raison de son attaque et l'origine de la fuite d'informations, ainsi que le commanditaire s'il y en a un. Comme vous le savez, poursuit-il, Sharn était, il y a des siècles de cela, une cité gobeline, et les bas-fonds portent encore les marques de leur architecture primitive. Nous avons mis à jour une tombe d'un chef important, d'après mon maître. Mais les problèmes ont débuté avec cette découverte. L'équipe de gobelins, menés par un nain, a été presque entièrement décimée, apparemment par de la magie du froid. Cela s'est passé lors de l'exhumation et depuis seul deux membres sont encore en vie, l'un sans connaissance et l'autre prostré et muet. Je pourrais cependant vous les "présenter". Je vous laisse réfléchir seuls à cette affaire et j'attendrai votre réponse au bar. »

A ces mots, l'homme se lèva et s'installa sur un tabouret près du comptoir, buvant lentement son vin.

«Cela semble une affaire intéressante. Je suppose que cela ne devrait pas nous prendre trop de temps. Que pensez-vous de la somme proposée? c'est une somme assez importante mais tout dépend du déroulement de l'enquête. je me demande ce que les survivants ont pu voir. Peut-être ont-ils déclanché une rune de protection... Lors de notre visite à ces survivants, j'essayerai d'entrer en communication avec eux. je ne sais pas si l'esprit de celui qui est inconscient sera accessible mais on ne risque rien à essayer non ?»

«Effectivement, Karm. Mais cette nouvelle que les survivants sont inconscients ou catatoniques me déplait, elle contredit ma première théorie... Va falloir voir.»


«Chère amie, j'aimerais entendre tes théories. Tu es d'une clairvoyance rare. Pour ma part, je vois dans cette affaire un noeud à élucider. Qui a donc attaqué les mineurs ? Quelqu'un ou quelque chose de la tombe ou bien quelqu'un d'extérieur ?»

Parabelle se lança alors dans une de ces longues tirades dont elle a le secret.

«Mon hypothèse était tout simplement que l'un de gobelins de l'équipe chercha à récupérer pour son peuple ce qui doit être pour eux des reliques sacrées, ou au moins un motif de fierté patriotique. Pensez donc, des traces de l'antique et glorieux empire gobelin ! Il est aisé de comprendre qu'ils puissent ne pas vouloir que de telles choses se retrouvent dans les mains d'humains irrespectueux ! Et en particulier d'humains qui, il n'y a pas longtemps, tenaient encore les gobelins en esclavage -- et ne doivent sans doute pas beaucoup mieux les traiter maintenant.»

Une petite pause, puis continua:

«Maintenant que nous avons le mobile, reste à trouver le modus operandi. C'est là que les informations de ce Céralir, si elles sont vraies, me chagrinent. En effet, mon hypothèse était que l'un des gobelins ait décrit les objets avec assez de précision à quelque chaman ou magicien de son peuple pour que celui-ci repère son emplacement approximatif à l'aide d'un sort de localisation d'objet ou de scrutation -- après quoi, il est aisé pour une équipe de cambrioleurs, munie des informations nécessaires, et peut-être accompagné par notre chaman gobelin pour qu'il affine la localisation de l'objet au fur et à mesure des recherches, pour trouver l'endroit où le coffre secret se trouve.»

«Vous savez, j'ai moi-même suivi des études assez poussée dans l'art de la divination, et je dispose d'un parchemin de localisation d'objet que je compte traduire dans mon grimoire dès que j'aurais les fonds pour me procurer les encres et plumes spéciales. Alors forcément, mon opinion sera influencée dans ce sens. Peut-être n'est-ce pas quelqu'un employant la divination pour découvrir où les Céralir ont caché les reliques. Peut-être ces objets sont eux-même maudits et, maintenant qu'ils ont été redécouvert, et qu'ils se sont nourris de la chaleur des pauvres mineurs, ils vont invoquer inlassablement des horreurs venu de Xoriat, et... Excusez-moi, je confond avec un roman de piètre qualité que j'avais lu il y a une cinquantaine d'année. C'était plein de monstres grotesques. Quand je pense que j'en ai cauchemardé pendant trois jours, alors que c'était vraiment tout à fait ridicule ! Mais c'était une époque paisible, avant la Der des Ders, avant même que les elfes n'attaquent Cyre, alors on s'inventait des frayeurs avec de la littérature de bas étage. Mais je m'égare.»

«Pour en revenir au sujet qui nous intéresse tous, il est tout à fait possible que l'un des gobelins jouent la comédie et qu'il soit en fait l'informateur. Peut-être même est-il en réalité le chaman ? J'ai entendu parler de certaines magies puissantes qui permettent de laisser son corps en catatonie derrière soi pour agir, par l'esprit, à distance. Mais ce serait tout de même surprenant qu'un magicien ayant de tels pouvoirs s'enrôlent dans une équipe de mineurs, non, ça ne tient pas debout.»

«De toute façon, ce serait trop simple si la première hypothèse était la bonne. Et je suis aussi d'avis de voir, demain, ce que les Kundarak veulent.»


Côme tapota l'épaule de sa chère collègue.
«Un peu fumiste en effet, mon amie, mais peut-être vrai. N'écartons pas l'improbable et considérons ton hypothèse comme possible à tout le moins. Pour ma part, je suis prêt à entreprendre cette enquête et à laisser tomber celle de la maison Kundarak, qui me semble plus dangereuse. Que dites-vous à ce sujet ?»

Karm interjecta:
«Ne pourrait-on point jouer sur les eux tableaux ? Attendons de voir ce que propose la maison Kundarak avant de refuser son offre. Il sera peut-être possible de combiner les deux activités. Sinon il nous suffira de renoncer à la deuxième proposition. Je propose en tous cas de nous mettre au plus vite au travail pour cette affaire de vol. Je me demande s'il serait possible de voir les survivant aujourd'hui... En combinant nos aptitudes spirituelles, nous devrions pouvoir, au moins, récupérer quelques indices sur ce qui leur est arrivé.»

«Je suis assez d'accord, répondit Côme, sur le fait de voir les victimes dès que possible, cela permettrait de mesurer les risques et l'enjeu réel de ce cambriolage. Devrais-je mettre en réserve un sort quelconque tel que charme, injonction ou autre ? Cela ne prendrait q'une minute... Enfin, ce serait seulement en renfort de vos capacités. Je n'aime pas fouiller l'esprit des gens (Côme eu à cet instant un étrange rictus qui semble dire le contraire) mais je le ferait si cela était nécessaire... Mon avis est que nous demandions à être menés à ces survivants et que nous fassions un interrogatoire serré. Mettons cela au point maintenant : qu'avons-nous pour interroger ces gens ? Comme je peux dupliquer les sorts, dites-moi s'il faut le faire. Et vous, qu'avez-vous comme sorts et pouvoirs pour cette entrevue, mes amis ?»

«Je préparerais trois détection de pensées pour demain -- une pour le Kundarak, et une pour chacun des deux gobelins. Je préparerais aussi une compréhension des langages au cas où ils se mettraient à parler dans une autre langue que le commun ou le gobelin.»

«Je pensais quant à moi à une judicieuse combinaison de charme et de persuasion pour faciliter la communication. Pour les deux victimes, je pensait tenter de joindre directement leur esprit. Ça permettrait de discuter avec le catatonique, si sonesprit est toujours "vivant". Pour l'inconscient, il arrive que l'esprit soit encore conscient, replié à l'intérieur de lui-même. Le résultat est loin d'être assuré mais bon, qui ne tente rien n'a rien non? Côme, je ne sais pas si vous êtes capable de dupliquer également les pouvoirs de l'esprit? et les aptitudes naturelles ?»

«Je ne sais pas trop ce que vous entendez par là, et donc craint de ne pouvoir le faire -- j'ai besoin de savoir précisément ce que je tente.»

Karm alla au bar annoncer à l'homme que c'était d'accord, et qu'on lui fixait rendez-vous le lendemain, même heure, pour commencer l'enquête par une visite aux rescapés.

Puis les Ombres se dispersèrent dans la nuit, vaquant à leurs occupations. Karm interrogea les rumeurs des bas-quartiers de la ville pour en apprendre plus sur les mineurs gobelins, Côme changea d'identité et acquérit, au cas où, un lot de rossignols, Parabelle alla se coucher et dormit aussi profondément que Pacème, son familier.
 
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3. Un certain Lanfranc Sorboc

Le lendemain matin trouva les Ombres Vives, assemblées à une table, déjeunant frugalement d'un quignon de pain, de fromages et de bonnes pommes sucrées. Côme, aujourd'hui, avait revêtu une autre identité, celle d'Armand Gemmazur. La versatilité du changelin était en partie responsable de la réputation du groupe, qui semblait beaucoup plus grand "vu de l'extérieur" -- pour ainsi dire.

Tout était calme et paisible, en cette journée naissante, l'animation nocturne étant dissipée tandis que celle du jour n'avait pas encore commencée ; lorsqu'un homme, portant une longue dalmatique de bure brune, aux cheveux gris et au regard fuyant, vint s'asseoir au comptoir. Il commanda un verre de clairet au tavernier, qui le lui apporta rapidement.
Jurnol le tavernier le sert, puis s'approche de vous prestement.

«C'est l'homme dont je vous ai parlé, là au comptoir !»

Parabelle est assez occupée à maintenir sur ses genoux son familier qui meure d'envie de bondir sur la table.
«Je vois, déclare-t'elle en plissant les yeux pour observer l'individu désigné, et bien vous pouvez lui dire que nous somme prêts à l'écouter ; et puis, si vous pouviez revenir ensuite avec une petite soucoupe de lait coupé d'eau pour mon matou, ça serait très aimable à vous, car il arrêterait peut-être d'essayer de me chiper mon fromage...»

Jurnol, qui s'était pris d'affection pour l'animal (en partie parce que celui-ci s'était fait une spécialité d'attraper les rats du cellier et de les rapporter pour confectionner la soupe du midi), apporta donc un bol de lait au chat de la devineresse et prévint ensuite l'inconnu. L'homme s'approcha de la table, ne semblait pas porter ouvertement l'insigne Kundarak, mais pouvait la deviner sous sa dalmatique. Alors qu'il quittait le bar, utilisant ses collègues de plus grande taille comme écran, Parabelle incanta doucement son sort de détection de pensées. Karm s'était levé pour accueillir l'inconnu, et celui-ci, sans autre présentation, demanda d'un ton réticent:

«Seriez-vous disposé à écouter une proposition sérieuse et confidentielle ?»

«Nous sommes toujours sérieux en affaire, messire. Prenez donc un siège et nous discuterons de l'affaire qui vous amène.»

Karm profitait de sa démarche courtoise pour observer l'homme de plus près, et permettre à Inu d'en faire de même. Il s'agissait de graver le personnage dans sa mémoire...

«Vous me semblez sérieux en effet. Puis-je savoir à qui j'ai affaire ? Je place ma confiance très parcimonieusement...»

Côme/Armand répliqua : «Notre identité ? Que voulez-vous dire ? Nous sommes les Ombres Vives, travaillant vite et bien, durs à la tâche et discrets comme des rats. Voudriez-vous connaître nos noms ?»

«Je veux des noms quand je m'adresse à des associés. Vous me connaîtrez sous le nom de Lanfranc Sorboc, antiquaire associé à l'université Morgrave. Et ce n'est pas très loin de mes réelles activités...»

«Dans ce cas vous pouvez m'appeler Karm Sombresprit, quant à mes activités vous les connaissez.»

«Quant à moi, ajoute Côme, vos pouvez m'appeler Armand. Armand dit le charmant ou encore Armand Mordserrure...»

«Si vous avez besoin d'un nom, appelez-moi Bellouma ir'Lergo. Ce nom ne vous dira rien de toute façon, je ne suis pas à Sharn depuis très longtemps. Je travaille dans l'obtention de renseignement et la résolution d'enquêtes, comme mes confrères ici-présents.»

Parabelle disait cela d'un ton distant, comme vaguement ennuyée, car elle maintenait sa concentration sur son sortilège. Mais Lanfranc, semblait-il, n'était pas un bleu ; tel un joueur professionnel, ses pensées restait inscrutables.

«Je vois que vous n'êtes pas des débutants, et cela me convient. En fait, j'aurais plutôt besoin de vos mains et de votre cerveau. Voyez-vous, la maison Kundarak est constitué de banquiers pour la plupart, et parfois nous sommes très jaloux de ce privilège... Me comprenez-vous ?»

Côme/Armand se pencha sur la table, regardant Lanfranc droit dans les yeux:
«Laissez-nous deviner... Il faudrait convaincre certains de vous laisser seul dans votre monopole, pour leur propre bien ? Et vous mes frères Ombres, qu'en pensez-vous ?»

«S'il suffit de convaincre quelqu'un cela ne pose pas de problèmes, j'ai toujours su me montrer très persuasif,» déclara karm en s'adossant confortablement sur sa chaise.

«Vous avez parlé de nos cervelles et de nos mains... Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que doivent accomplir les unes et les autres ? Si c'est juste de la négociation que vous voulez, se serait plutôt nos langues que vous voudriez.»

Côme répliqua, «je crois que notre ami veut plutôt que l'on convainque matériellement que ces gens ne devraient pas jouer aux banquiers... Une question de démonstration d'incompétence, n'est-ce pas ?»

«Vous êtes tous un peu dans le vrai, même si je pense que la manière de ce cher Armand sera sans doute celle à adopter. Mais passons plutôt aux choses sérieuses...»

L'homme se pencha sur la table et, à voix basse, demanda: «Êtes-vous au courant, de manière au moins générale, de la façon dont les familles nobles intermédiaires gagnent leurs revenus, je veux dire celle qui ne contrôlent pas de charges importantes et qui donc ont parfois des intérêts dans les métiers moins nobles ?»

«Avec beaucoup de pudeur.»
Le bon mot de Parab sous-entendait la discrétion de ceux qui connaîssent très bien l'illégalité de leurs activités.

«Circonspects, je vois... J'aime ça. Voici plus de détails sur l'affaire. Des brigands nobles ont trouvé une nouvelle tactique pour convaincre de potentiels clients qu'ils devraient leur donner à garder leurs richesses. Cette famille noble a mis au point un plan consistant à prouver que la maison Kundarak ne pouvait pas assurer la garde des valeurs qu'on lui aurait confiés. Elle a réussi, par des techniques de sape assez audacieuses, a subtiliser le contenu d'un coffre moins bien gardé de la maison Kundarak et a mis ces valeurs dans son propre coffre. Elle devrait bientôt, d'après mes informateurs, prendre contact avec le client pour lui signifer le vol de ses biens et leur nouvelle cachette, afin de le persuader de son efficacité. Ils sont très malins, sachant que le client n'a pas été averti par la maison Kundarak du vol et que la valeur des objets est grande mais peu négociable, ce qui n'intéresserait pas de simples voleurs. La maison Kundarak veut donc une discrétion à toute épreuve sur cette affaire, dont le but est de récupérer le butin et de le remettre à sa juste place. Des questions ?»

«Oui, répondit Karmakadh, en quoi consiste ce butin? Si nous devons le subtiliser, il serait bon d'en avoir une descritpion ; histoire de ne rien oublier et de ne pas vous ramener ce dont vous n'avez nul besoin.
Sinon, bien sûr, l'identité de la maison noble concernée et les informations dont vous disposez sur le lieu où son dissimulés les biens convoités.»


«Et bien évidemment, cela desservirait la maison Kundarak de prévenuir les autorités ou d'agir ouvertement... Son prestige s'en ressentirait...»
Côme réfléchissait à cette histoire, et espérait que rien ne poserait problème, et que tout était comme il le paraissait. Par expérience, il savait que c'était rarement le cas.

«L'affaire semble très intéressante. Il nous faudra tout les détails que vous pouvez fournir, et pour commencer, le nom de cette famille noble, des clients dérobés, l'adresse où se trouvait le coffre percé, la nature du butin...»

«La famille que j'incrimine est la famille Fralamore. Le coffre qui fut forcé était un coffre certifié installé dans le manoir de la famille Céralir. Vous trouverez ici,
dit-il en agitant un papier, les coordonnées de leurs manoirs. Quand aux objets dérobés, il s'agit, pour ce que nous savons, de vestiges archéologiques destinés au musée de l'université Morgrave. »

Il laissa au trio le temps de regarder le document, face cachée, puis reprit:

«Si vous acceptez, voici une avance de 150 trônes pour vos frais de départ. Vous aurez dix fois cette somme si vous parvenez à récupérer les antiquailleries et à les replacer discrètement dans le coffre des Céralir d'ici cinq jours. Seulement cinq fois cette somme si vous mettez plus que cinq jour, ou si vous décidez de me les confier plutôt que de les remettre à leur place. Si vous mettez plus de dix jours, la paie diminuera encore. Si vous trouvez des preuves permettant de d'inculper les Fralamore après la résolution de cette affaire, vous aurez une prime. Quelque chose à redire ?»

«En clair, il s'agit d'un banal cambriolage de la demeure des Fralamore avec si possible la preuve qu'ils ont volé ces objets, n'est-ce pas ? Pas plus de détails sur ces objets avant que nous ne nous décidions ?»

«Veuillez m'excuser,
interrompit Karm, mais toute cette discussion m'a donné soif. Je vais chercher à boire, voulez-vous quelque chose ?»

Pour seule réponse, quelques épaules se haussèrent. Karm partit vers le comptoir. Arrivé à quelque distance de la table, il se concentra sur Lanfranc et tenta de lui suggérer psychiquement de dire la vérité sur l'histoire. Cependant, tout comme Parabelle plut tôt, il sentit que Lanfranc avait une forte volonté. Celui-ci continuait sa discussion et répondait à la question de Côme/Armand:

«En fait, je n'ai pas eu l'heurs de voir ces objets moi-même, j'aurai donc du mal à vous les décrire. Il y en a cinq, d'après ce que je sais. Un masque grimaçant en cuivre et terre cuite, un poignard cérémoniel en argent, un sceptre de fer, une urne en bronze, et une chaîne ornementale, dont chaque maillon a la forme d'une créature différente. Je ne puis vous les décrire plus en détail. Faite vite, les Céralir ne se sont pas encore rendu compte de la perte de ces objets, et il n'est pas notre intérêt qu'il découvre le vol.»

Karm revint alors avec un pichet de fongecidre, une boisson venue des Forts de Mror, pas mauvaise du tout mais dont on hésitait à connaître la recette.

«Pardonnez cette interruption, nous étions en train de discuter des détails de cette mission, n'est-ce pas ?»

«Plus précisément, je vous avais déjà dit tout ce que je pouvais vous dire à ce sujet. Si vous acceptez l'offre, je vous remet cette bourse et ce parchemin où vous trouverez les coordonnées précises et le moyen de me re-contacter. J'attend donc simplement votre réponse.»

«Et bien je pense que nous acceptons votre affaire, n'est-ce pas Côme ?»


Lanfranc eu un léger sourire en entendant ce nom pour "Armand".

Parabelle prit parole :
«C'est indéniablement intéressant. Nous mettrons nos méninges à résoudre cette affaire. Mais vous aviez parlé de persuasion...»

«Effectivement. C'est en deux temps. Le premier consiste à déjouer leur machination, et le second, à l'exposer. Pour le moment, préoccupez-vous surtout de remettre ces objets à leur place légitime.»

«Cela me semble faisable,
dit enfin Côme. Les Ombres Vives relèvent le contrat, cher monsieur. Mais pourriez-vous définir plus en détail ce que vous entendez par les preuves du vol ? Les objets en eux-mêmes ne sont pas la preuve, alors que vous faut-il ? Des aveux ?»

«Des documents, des n'importe quoi... C'est votre travail, mes amis,
rétorqua l'homme. Les objets eux-même ne sont pas des preuves car il s'agissait de découvertes récentes, non-encore déclarées. Officiellement, ils n'appartiennent à personne. Quiconque s'en empare et entreprend les formalités nécessaires peut en devenir le légitime propriétaires... Bonne chance, et ne faillissez pas à votre réputation !»

L'homme se leva et quitta la taverne, laissant les Ombres libres de discuter de tout ce qu'elles voulaient. Parabelle commença :
«Tout de même, cet individu est étonnant. La Maison Kundarak est une maison naine, il y a très peu de non-nains à son service. Les Kundarak travaillent main-dans-la-main avec les Sivis, je pourrait donc peut-être demander des infos chez moi à propos du personnel humain des Kundarak...»

«Faites donc, vous ne pensez tout de même pas que cet homme ne travaille pas pour eux et nous tende un piège, non ? En tous cas, cette affaire semble très intéressante. Quand avons nous rendez-vous avec notre autre client? Deux affaires identiques, c'est vraiment parfait! Pour le même effort nous allons être payé deux fois! Il faudra signaler à notre deuxième client qu'il serait plus sage pour lui de ne pas révèler publiquement les informations que nous lui donnerons s'il ne veux pas avoir des ennuis avec la maison Kundarak, et nous aussi...»

«Ce type avait une volonté du tonnerre,
poursuit Karm, je n'ai pas pu l'influencer à notre avantage... Par contre je pense que notre autre client sera plus sensible à ce genre d'aptitudes.»

«Je ne pense pas qu'il nous tende un piège, du moins pour le moment, mais il cherche sans doute à nous abuser. C'est un gaillard louche, et son esprit est resté impénétrable. Quand au Céralir, il nous avait donné rendez-vous ici-même en milieu d'après-midi. On a 150 trônes d'or, si on allions faire quelques emplettes en attendant ? J'aimerais bien me procurer un cornet acoustique, c'est très pratique pour écouter aux portes ou aux murs. Et aussi un parchemin de sommeil car ça peut toujours servir.»


Elle examina le parchemin laissé par le commanditaire:

«Amusant ! Si l'on en croit ce qui est écrit là, faire fondre le sceau communiquera à notre mystérieux commenditaire un message pré-établi. Je me demande qui a créé ça, c'est un truc très astucieux. Bon, sinon, il y a l'adresse des Céralir et des Fralamore, un plan -- incomplet -- de l'étage du manoir Céralir où se trouve le coffre, la procédure pour l'ouvrir, il s'agit d'un mot de commande changé périodiquement -- le mot de commande actuel étant écrit en code Sivkun, je comprend maintenant pourquoi il nous a choisi nous -- et un plan -- très vague -- des deux étages supérieurs du manoir Fralamore.»

La gnome commença alors un de ces exposés bavards dont elle avait le secret.

«Les glyphes Sivkun sont mal recopiées et à peine lisible, ça n'a pas été fait par quelqu'un qui connait ce code. Le code Sivkun est un code cryptogéométrique developpé par les maisons Sivis et Kundarak pour les communications confidentielles. Actes notariés, combinaisons de coffres, etc. C'est très subtil et aussi difficile à tracer et à déchiffrer que les incantations d'un sort dans un grimoire. Comme vous voyez, ça ressemble plus à un fouillis de lignes et de cercles qu'à une véritable écriture. C'est encore pire quand il est crypté -- il faut alors un schéma de décryptage qui est tout aussi esbignant que le message lui-même. Le code avait été développé par un magicien qui cherchait à établir un procédé de communication qui résisterait à toute tentative de décryptage par un non-initié. Il a pratiquement réussi, grâce à un gribouillis qui esquinte les yeux quand on le regarde trop longtemps.»

«J'ai appris à déchiffrer les deux premiers degrés de ce code, mais ça prend des heures. J'espère que ce n'est pas écrit en troisième degré. Il y en a cinq en tout, chaque degrés étant plus ardu et long à déchiffré. Seul des dracomarqués Sivis ou Kundarak bien vus de leur maison peuvent espérer que l'on leur enseigne les deux derniers degrés, et même le troisième est assez rare.»


«Houla, ça m'a l'air horriblement compliqué ce code,
l'interrompit Karm. Est-il nécessaire de l'utiliser ou peut-on se servir de mon passe-partout ? »

«C'est bien possible, car certains coffres à ouverture magique n'ont tout bêtement pas de serrures -- ni de porte, en fait. Je l'étudierais avant d'aller voir mes relations.»

«Sinon,
reprit Karm, pour les plans du manoir, je pourrais effectuer une reconaissance avec Inu. De préférence de nuit pour être sûr qu'il ne se fasse par repérer. Idéalement, il faudrait le rendre invisble mais bon, il y peu de chances qu'on le voie de nuit alors que lui voit parfaitement -- même si sa vue est courte.»

«Pacème pourrait aussi se rendre utile pour ça. Lui il peut voir de loin, la nuit. Il pourrait même être invisible les quatres premières minutes...»


Parabelle accentua un peu le "lui", jalouse de la bonne vue de son familier. Elle, elle était monstrueusement myope.

«Pour ce qui est de la discrétion d'Inu, je peut le rendre invisible quelques minutes si besoin est, moi aussi, répondit Côme. Cela pourrait nous permettre de vérifier la présence d'éventuels gardes, d'erreurs dans le plan, de protections particulières... Pour ce qui est du code, je compte sur toi, ma divine devineresse. Cependant, il va nous falloir jouer serré pour le second client. Il faudra faire semblant que nous cherchons des indices. Son visage s'empourpra soudainement. Mais suis-je bête ? Notre enquête devra au contraire être très complète. La seule différence avec l'affaire qui nous est proposée est qu'en réalité le vol a déjà eu lieu, pas qu'il a échoué. Si nous trouvons des preuves identifiant les auteurs, nous serons en ordre sur les deux fronts. Mais, au fait, où cet agent Kundarak a-t-il obtenu ces informations ?»

«Les maisons dracomarquées ont de bon réseaux d'information, non,
proposa Karm. Mais c'est vrai que c'est étonnant qu'ils confient l'affaire à des agents externes si ils savent déjà tout ça.»

«Peut-être est-ce justement la raison. Nous sommes plus difficilement traçables que des dracomarqués et aussi... une moins grande perte... Bon, si nous allions fréquenter quelques magasins avec nos 50 trônes chacun ?»
 

Gez

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4. Des Gobelins à l'Hospice Céruléen

Après s'être équipée, la petite équipe des Ombres Vives revint passer le temps à sa taverne préférée. L'attente ne fut pas très longue, car l'envoyé de la maison Céralir arriva avec une bonne demi heure d'avance, et un air toujours aussi anxieux.

« Ah, vous êtes déjà là ! Très bien, très bien... Vous vouliez voir les deux rescapés, pour autant que l'on puisse les qualifier ainsi, n'est-ce-pas ? On peut y aller dès maintenant, à moins que vous n'ayez du matériel à prendre chez vous avant... Pour aller plus vite, je pourrais vous y mener, j'ai un tapis volant... »

Les Ombres étaient prêtes et ne voulaient pas perdre de temps. L'homme, suivit par les aventuriers, rejoignit son maître, Orvas ir'Céralir, le neveu du patriarche de la famille Céralir, sur un des balcons de la tour, où il attendait en compagnie d'un warforged adossé à un pilier. Celui-ci tenait entre ses bras de métal luisant un tapis enroulé. Fait insolite pour ceux de sa race, il portait sur la tête un heaume, heaume qui masquait sa marque frontale. Le long de ses bras et avant-bras, de nombreux petits fourreaux avaient été proprement soudés, contenant en tout une douzaine de poignard de jet. Il portait également une arbalète à répétition attachée à sa ceinture. Enfin, sa hanche.

« Ah, vous voilà, déclara Orvas. Je vous présente Fidèle, et Fidèle, voilà les agents que l'on a recrutés, Messire et Mesdemoiselles... »

Cette fois-ci, les Ombres ne déclinèrent pas de fausses identités. Sauf pour Côme, bien sûr.

Une fois les présentation terminées, Fidèle déroula le tapis et s'accroupit à une extrémité. Orvas et son serviteur prirent place à l'autre, et invitèrent les Ombres à s'installer au centre. Bien que la placette fut assez peu fréquentée à cette heure, un tapis volant attire l'attention, et quelques curieux observèrent la scène. Répondant aux question de nos héros curieux, Orvas déclara que les mineurs étaient dans un « établissement de repos privé appartenant à notre famille, sous contrat avec la Maison Jorasco » dans des conditions « d'un luxe surprenant pour des gobelins, auxquelles ils n'auraient bien sûr pas eu droit si ce n'était pour les conditions toute particulières ayant causé leur affliction » et Fidèle expliqua monotonement qu'il portait un casque car ça lui donnait un visage rien qu'à lui et qu'il était « paré pour le combat à distance, à cause du tapis volant ».

Le tapis, obéissant à Orvas, se soulèva en ondulant, et transporta toute la troupe dans un trajet rapide et mémorable entre les masses écrasantes des tours et les fines dentelles des ponts. Orvas alla à côté du manoir Céralir, sa destination étant en fait une tour voisine de celle où le manoir se trouve, près du sommet des tours. Sur le toit d'une tourelle plus basse que la moyenne se trouvait un petit bâtiment carré, de trois étages, entourant un patio avec fontaine, et lui-même entouré d'un jardin. Le tapis rentra par un balcon au premier étage, au dessus de la porte principale. Les murs étaient ornés de fresques en mosaïques représentant la mer bleue, pleine de dauphins stylisés, et le ciel azur, plein d'ébauches d'oiseaux. Le tapis se posa sur une autre mosaïque, en carrelage, représentant un griffon. Les Ombres aperçurent quelques hafelins, sans doute du personel soignant de la maison Jorasco, et un personnage richement vêtu, un humain, de toute évidence un parent d'Orvas -- même chevelure châtain-blond, même nez légèrement crochu, un peu plus vieux. Il discutait avec une hafeline aux cheveux gris, accompagnée d'un jeune collègue, vraisemblablement un subordonné, qui restait silencieux. La conversation s'interrompit alors que le tapis se posait, et le noble alla à la rencontre de l'équipe:

« Ah, Orvas, te revoilà déjà ! Bienvenu dans l'hospice céruléen, vous devez êtres ces fameuses Ombres Vives qui doivent nous aider à résoudre un petit mystère ! Je suis Ayrcas ir'Céralir, l'aîné d'Orvas que vous connaissez déjà. Nous étions justement en train de discuter, Madame Téchani -- il désigna la vielle halféline d'un petit geste des mains, semblable à celui que l'on fait en disant "après vous" pour montrer le chemin -- et moi, de comment les deux mineurs se sont retrouvé dans ce triste état. Vous pourrez lui demander son diagnostic, mais peut-être voulez-vous voir les victimes d'abord ? »

« Fameuses ? Vous nous faites trop d'honneur, messire, mais nous ferons tout notre possible pour répondre à vos attentes, » répondit poliment Karm, avant de poursuivre: « Ma fois, si Madame Téchani peut nous éclairer sur l'état des patients nous concernant, nous lui en serions très reconnaissant. Il est en effet plus commode de connaître la situation avant de débuter nos opérations et j'ai justement quelques questions précises sur l'état mental de ces gobelins. »

« Pour ma part,
dit Côme en saluant, j'aimerai savoir ce que vous pensez de la nature et de l'origine de leurs blessures. Les avez-vous fait examiner par un magicien ou quelqu'un de versé dans les afflictions magiques ? Je suis très intéressé par le fait de savoir si ces gobelins ont été blessés par des créatures ou des objets et ce que l'on peut en déduire. Ensuite, nous irons visiter et ausculter ces gobelins... »

L'halféline désignée comme étant Madame Téchani, sentant qu'elle y était invitée, prit parole.

« Bien, les deux patients, des gobelins répondant -- enfin, plus maintenant -- aux noms de Tûkdhann et Rhaköasch, sont dans l'incapacité de communiquer. L'une, Tûkdhann, est plongée dans un coma profond, avec toutefois une particularité assez intéressante, elle est recroquevillée en position fétale et toute crispée. Pas moyen de la déplier sans risquer de la tuer. L'autre, Rhaköasch, ne vaut guère mieux. Tout à fait catatonique, il ne dit rien, mais semble toutefois comprendre nos propos. Il obéit avec une morne résignation à des ordres simples, et ne fait rien de son propre chef. Il semble se désintéresser de tout et avoir perdu le plus clair de ses facultés intellectuelles. »

Elle laissa aux Ombres le temps de digérer toutes ces informations, puis continua:

« Ces symptômes, qui résistent à nos traitements, s'accompagnaient d'autres effet, plus physiques, que nous avons réussi à guérir, du moins en partie. Les deux présentaient un certains nombres d'engelures et de brûlures causée par un froid intense. Il a d'ailleurs fallu amputer la main droite de Tûkdhann, qui, noircie, morte, avait commencé à gangrener. Cette main était d'ailleurs placée devant ses yeux, la paume vers l'extérieur, en un geste de protection. »

« Comme vous le savez, il n'y a pas de zones glaciales dans les profondeurs de Sharn, bien au contraire. Aussi, tout naturellement, nous supposons une origine magique à ces symptômes -- sans doute quelque antique piège que les mineurs auront déclenchés. La seule magie dans laquelle je puis prétendre m'y connaître est celle de la guérison, aussi je ne suis pas sûre de ce qu'il faut en penser, mais je suppose qu'il ne s'agit pas là simplement d'effets d'évocation -- pour ce que je sais, cette école a rarement des effets sur l'esprit, et son action est en générale immédiate. Je soupçonne donc que nous sommes plutôt en présence des conséquence de la magie nécromantique. »


Ces nouvelles ne plaisaient pas à Karm.
« Voilà qui est des plus dérangeant... Vous dites donc que Rhaköasch comprend encore ce qu'on lui dit ? Ça me facilitera le travail.
Quant à l'autre, pensez-vous que son esprit soit encore fonctionnel ? Y a-t-il encore une conscience dans ce corps ou n'est-ce plus qu'un simple légume ? Avec votre autorisation, je voudrais tenter de communiquer avec ces deux gobelins. »


Parabelle ajouta qu'ils avaient « des techniques de diagnostics sans dangers avec lesquelles [ils espéraient] pouvoir en savoir plus sur les conditions de leurs traumatismes. »

Mme Téchani répondit « Mon fils Siobin va vous y conduire, suivez-le. » Ayrcas souhaita bonne chance aux détectives. Le petit groupe, guidé par Siobin, traversa un long couloir bleu, avec toujours ces mosaïques simples et répétitives. Siobin ouvrit une porte, la douzième, donnant dans une petite pièce où se trouvaient quatre lits serrés les uns contre les autres, séparés par des cloisons de bois, un peu comme pour les box des chevaux dans une étable. Deux des lits, à chaque extrémité, étaient occupés par des petites formes rabougries -- les gobelins survivants. Si on pouvait appeler ça survivre.

« Avec votre permission, Monsieur Téchani, je souhaiterait étudier les motifs de leurs pensées superficielles, déclara Parabelle. Eileen, tu leur posera des questions pendant que je me concentrerait sur leur activité corticale. Karm, que comptes-tu faire ? Je suggère que tu t'occupe de Tûkdhann pendant que nous nous occupons de Rhaköasch, et vice-versa. »

« Et bien, je comptais directement sonder leur esprit pour tenter de communiquer malgré les barrières que sont leurs états. Pour l'inconsciente, il ne devrait pas y avoir d'opposition mais peut-être pas de réponse non plus... Pour le deuxième, il faudra le convaincre de participer à l'échange. Vu qu'il répond à des ordres simples, son esprit doit encore être opérationnel, même si diminué. Souhaites-tu participer à l'exploration ? ou bien vous, Mr Téchani? cela vous ouvrirai peut-être des voies de traitement possibles ? »


Cette variation du plan intéressait Siobin et Parabelle, qui y voyait là une intéressante synergie avec son sort de détection de pensées, et ils se concentrèrent donc tous sur Tûkdhann. Malgré les efforts de Côme & Karm, la gobeline restait recroquevillée sur elle-même si profondément que son âme est déconnecté de son corps. En son esprit passait et repassait, lancinante, cette plainte: « Non! Chapelle de Khourorscht! danger, fuir! » Parallèlement, ses pensées superficielles ne contenaient que ceci: « Je suis morte. »

Cependant, au bout d'un moment, les efforts de Karm pour s'immiscer dans sa psyché semblèrent avoir tout de même un résultat -- quelque part, au plus profond de son âme, Tûk s'était rendue compte qu'il se passait quelque chose de nouveau. « Qu'est-ce ?/Démons de Khourorscht !/Mangeur d'âme/Dolurrh/Pire/Non! »

C'était pas forcément un progrès, mais au moins un résultat. Les messages mentaux de Karm continuèrent. « Pas démons/ami/pas danger/sécurité/pas morte/vivante/courage/plus danger/pas danger/blessures soignées. »

La gobeline restait traumatisée, mais elle sembla se rassurer un peu, car Côme/Eileen fit la remarque qu'elle se décrispe légèrement. Voilà une méthode de thérapie inorthodoxe, mais efficace. Siobin était impressionné. Tûk, quand à elle, s'ouvrit un peu plus: « Si pas-démons, quoi ?/Vous, quoi ? »

Le dialogue conceptuel continua encore quelque temps, assez pour rassurer la gobeline, qui chercha toutefois à rompre ce contact mental dérangeant. « Besoins: repos/réflection/méditation/sortie. » Karm était satisfait, et il semblait que l'on ne pouvait pas apprendre beaucoup plus de cet esprit blessé.

« Bien il semble que la situation soit stabilisée. nous avons obtenus quelques renseignements. Peu, certe, mais bon, vu l'état dans lequel se trouvait cet esprit, je pense qu'il ne faut pas trop la pousser maintenant qu'elle est en voie de guérison. Se rapeller les évènements si vite après une amélioration pourrait ruiner nos efforts. Je propose que nous tentions la même opération sur la deuxième victime ; elle semble moins touchée qu'elle. On devrait pouvoir obtenir plus de renseignements. Qu'en pensez-vous ? »

Après avoir mis au courant Côme des découvertes permises par cet entretien psychique, Parabelle commença à spéculer sur cet entité "Khourorscht" avant d'être interrompue par un Siobin enthousiaste qui voulait demander à Karm s'il pouvait lui apprendre comment développer ce contact psychique. «Si j'apprenais à le faire, je pourrais sans doute en parfaire l'usage à fin médicales... Je pense que ça me ferait un bon sujet pour soutenir une thèse... »

Les Ombres et Siobin s'occupèrent alors de l'autre gobelin, Rhaköasch. Avec beaucoup moins de succès. La déconvenue de Karm fut grande en découvrant que l'esprit de Rhak était, au mieux, végétatif.

« De fait, moi qui espérait que, comme il semblait moins atteint, ce serait plus facile, je me suis lourdement trompé. L'état dans lequel s'était plongé la gobeline semble avoir sauvé son esprit. enfin, essayons tout de même... »

« Ça ressemble à un effet de débilité mentale,
renchérit Parabelle. Si c'est bien le cas, les pièges magiques étaient d'une puissance surprenante ! Son esprit est complètement détruit, il n'en subsite plus que les miettes les plus primitives, les plus instinctives, venues du cerveau reptilien. C'est tout de même étonnant qu'il ait conservé quelques facultés de compréhension du langage. Il a peut-être donc tout de même résisté en partie au sort. Ou alors, c'est un traumatisme particulièrement féroce qui lui aura fait ça plutôt qu'un sort. »

L'une des pensées de Rhak étant la faim, Karm pris un biscuit dans son sac, et tenta de nourrir le gobelin, tout en lui envoyant des pensée de protection, de sécurité, et de nourriture. Rhak se jetta sur le gateau et l'engloutie en une bouchée, en machant à peine, et en s'étouffant à moitié. Il toussa et cracha des postillons pleins de miettes qui tâchèrent les vêtements des personnes assemblées autour de lui, Karm, Siobin, et Parab'. Celle-ci réagit en faisant un écart brusque, et bougonna « Non seulement il m'a quand même tachée, mais en plus j'ai perdu ma concentration. Stupide gobelin... »

Pendant que Siobin partait chercher un verre d'eau pour le gobelin, qui avait aussi exprimé sa soif, et que Parabelle frottait energiquement sa robe en maugréant, Karm, plus zen, continua ses efforts. En transmettant les concepts de nourricier, de soutient, de protection, il fut un peu surpris de recevoir en retour ce concept interrogatif tout simple, et universel : « Maman ? »

« Manquerait plus qu'il me saute au cou... » grommela-t'il en son for intérieur. Voulant rediriger la conversation sur ce qui l'intéressait, Karm fit comprendre qu'il n'était ni la mère, ni le père de ce gobelin, et il "parla" du tombeau. La réponse ne se fit pas attendre: « Tristesse/douleur! Maman! Veux Maman! » Des larmes noyaient les yeux du petit être grotesque, et sa bouche se tordait en braillements silencieux. Il semblait qu'il était tout à fait muet. Peut-être la raison pour laquelle il ne parlait pas, bien qu'il puisse comprendre le langage ?

Karm, mentalement éprouvé par les efforts consenti pour lier par deux fois tant d'esprit, sentait sa patience s'amenuiser. Il tenta de rassurer le gobelin en lui faisant savoir qu'il n'y avait pas de danger, qu'il était en sécurité, qu'il fallait être calme... Trop tard ! Rhak était toujours aussi pitoyable: « Danger pas-important! Sécurité pas-importante! Maman! »

Côme/Eileen, qui n'avait pas participé à l'échange mental, demanda: « C'est quoi, son problème, exactement ? Pourquoi pleure-t'il ? Vous l'avez fait remonter jusqu'à le, euh, accident, de la mine ? »
Parabelle répondit: « Non, il a cru que Karm était sa maman, et Karm ne se sentait pas de materner un gobelin... Alors maintenant, il veux sa maman. »
Côme répliquaque si ce n'était que ça, « revenir au point de départ devrait être assez simple... »

Eileen s'assit sur le lit à côté du gobelin, et prit le petit être disgracieux sur ses genoux, le serrant contre son coeur et le berçant en chantonnant "la-la, la-la, t'en fais pas, t'en fais pas..." Le gobelin regressé, complètement abusé, se calma très vite.

« Bien, reprit Karm, maintenant qu'il a un soutient psychologique, on va essayer de le faire régresser ... heu, mauvaise expression. De le ramener à l'incident de la mine. En espérent que le fait d'être materné contre-balancera ses possibles craintes. »

Le psychodrame continua quelques temps. Finalement, Karm parvint à faire remonter à la surface quelques informations, mais au prix d'une agravation du précaire état mental de Rhaköasch. Laissant derrière eux un gobelin en larme, notre petite équipe apprit un peu comment se déroulèrent les catastrophiques fouilles. Tout d'abord, le contremaître hobgobelin fut l'une des première victimes d'un piège non-magique, mais très sournois. Une sorte de pont, au dessus d'un gouffre profond où flotte des brumes malsaines, avec un trou près du bord, en équilibre sur une bascule. Contourner le trou était très facile, mais le vrai piège était ailleurs. En dépassant un certain point, les ouvriers firent basculer le pont en avant, faisant glisser tout le monde. Ironie du sort, le hobgobelin, qui restait en arrière par précaution, glissa dans le trou lors du basculement. Le reste de l'équipe s'effondra pêle-même sur une corniche sans trop de heurts, quoi qu'il y eut quelques jambes ou bras cassés. Privés de surveillant, les croquemitaines prirent le contrôle de l'expédition, "réquisitionnant" les gobelins pour qu'ils pillent à leur profit à eux. Le superviseur nain fut jeté dans le trou par un des croquemitaines. Le groupe de Rhak, en ouvrant un coffre, libéra un "être/lumière/flamme bleue" qui transperça les corps des gobelins et croquemitaines qui se trouvaient sur son chemin, laissant un froid intense sur son sillage. Une fois les dernières informations obtenues, karm rompit le contact, épuisé par l'usage intensif de son don et par l'effort demandé pour maintenir la liaison avec les deux esprit perturbés et le "retour de force" mental que la tempête d'émotions du gobelin avait provoqué.

Après quelques minutes pour rassembler ses esprits, il déclara:
« Eh bien, nous avons eu les informations voulues, bien que la méthode n'ait pas été des plus orthodoxes. Je suis désolé pour le deuxième gobelin mais de toute façon, son esprit était au dela de toute guérison. Peut-être ce nouveau choc lui sera-t-il bénéfique finalement. J'ai par contre bon espoir pour sa compagne. Bon, au sujet de ces informations, Parabelle peux-tu m'apprendre quelque chose ? cette forme bleue me semble être magique mais je ne m'y connais guère. Avez vous une idée de ce dont il s'agit? »

« Alors là, je vois pas. Une sorte d'entitée incorporelle de froid intense, ressemblant d'une façon assez blasphématoire à la Flamme de Thrane, d'après la description. Aucune idée. Peut-être que les recherches que je pourrais faire sur Khourorscht m'en apprendront plus. Sinon, si vous ne voyez rien d'autre à faire ici, nous pourrions demander à Orvas de bien vouloir nous ramenez. »


Côme/Eileen renchérit: « Je pense que l'on ne peux rien faire de plus ici pour le moment, en effet. »

Il prirent congé de Siobin après que Karm lui ait conseillé quelques rapides processus de relaxation mentale, et lui dise qu'il repasserait sans doute pour voir s'il veut en apprendre plus. Le groupe se dirigea ensuite vers Orvas, refranchissant les couloirs de l'hospice, et retrouvèrent Orvas, Ayrcas, et Mme Téchani discutant à voix basse, tandis que Fidèle, adossé contre le mur, regardait le paysage du balcon, et semblait tout à fait inerte. Le serviteur d'Orvas n'était pas là.

« Messire Orvas, nous avons terminé nos investigations auprès des survivants. Nous allons maintenant effectuer quelques recherches sur les faits qui se sont produits. nous vous tiendrons au courant de l'avancée de notre enquête. Si vous pouviez nous reconduire au lieu de notre rencontre, nous vous en serions fort gré. »

C'est Ayrcas qui répondit: « Mais bien sûr qu'Orvas va vous ramener ! Et je viens avec lui, d'ailleurs. » En apparté vers la hafeline: « Faudette, je te laisse encore une semaine, mais après, on arrête les frais, d'accord ? »
Laquelle ne répondit que par un haussement d'épaules et une vague moue.

Alors qu'ils reprenaient place sur le tapis, un chat gris surgit discrètement d'une zone d'ombre, derrière une colonnade, et vint silencieusement se précipiter dans une des larges poches de la robe de Parabelle. Pendant le trajet du retour, Karm observit la petite tête du chat surgissant régulièrement de la poche, cachée par la main de la magicienne. Il ne quitta tout à fait sa cachette qu'une fois les Ombres de retour sur le balcon de la Tour des Choucas, le tapis volant reparti.

Parabelle déclara qu'elle n'avait pas de temps à perdre si elle veut trouver des infos sur Khourorscht, d'autant qu'il va lui falloir négocier avec les bibliothécaire de Morgrave. Côme annonça qu'il allait changer d'apparence et de toilette et tenter d'obtenir des renseignements dans les Rouages, les bas-fond de la ville. Karm déclara qu'il avait l'intention de faire des repérages aux alentours du manoir Fralamore.

Ayant coordonné leurs plans, les Ombres Vives se dispersèrent dans les rue de la Cité des Tours.
 

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