Les Terres Anciennes [UPDATED 24/03/03]

Sammael99

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Episode Second : Une partie de Rouste

L’ambiance est morne. Bien sûr, nos héros ne connaissaient pas particulièrement bien le nain Grim, et ce n’était pas, en apparence en tous cas, le plus jovial des compagnons. Néanmoins, au-delà du choc d’avoir vu un compagnon mourir sous ses yeux, Targedaël, Yjir et Erasmus ne peuvent s’empêcher de penser que la mort de Grim au cours de leur première expédition n’est pas un bon présage. Qui plus, est, même si le nain ne semblait pas être un combattant illustre, la petite troupe est douloureusement consciente du manque qu’elle risque désormais de ressentir en termes de capacité martiale.

La visite de nos amis au bâtiment de la Garde Douanière en vue de faire dédouaner leur butin n’est pas pour remonter le moral de nos amis. Les valeurs et objets extraites du Tombeau de Varnôn sont expertisés et nos amis doivent s’acquitter d’une taxe d’un tiers de leur valeur, au grand désespoir d’Erasmus. Enfin, un soir que nos amis sirotent qui une bière qui un thé dans l’auberge d’Umar, Targedaël se décide à lancer le sujet qui trotte dans les têtes de chacun :

- Je pense qu’il faudrait qu’on recrute un combattant supplémentaire. J’ai failli y passer moi aussi, et plutôt deux fois qu’une. Ce coup ci, on sait à quoi s’attendre, il faut engager un gars vraiment costaud.
- Où nous trouver ça ? demande Yjir
- On peut demander à Umar, il saura peut-être…

Targedaël se retourne et dit : « Umar, est-ce que tu saurais où on pourrait recruter un combattant efficace ? »

- En général, les mercenaires se rendent à la Taverne de la Chopine, sur la place de la Mairie. Je pense d’ailleurs qu’il doit y avoir un type qui correspond à ce que vous recherchez puisque pas plus tard qu’hier, un guerrier barbare est venu me demander si je savais où il pourrait vendre ses services…
- Excellent ! répond Erasmus. Et tu lui as indiqué la Chopine ?
- Absolument. Il s’appelle Sküm. Il se promène avec une grande hache, vous ne pouvez pas le rater…
- Allons à la Chopine, s’exclame le gnome, visiblement plus intéressé par la perspective d’une nouvelle bière que par celle du recrutement lui-même…

Nos héros se dirigent donc vers la Taverne située au centre de la bourgade. A l’extérieur de la taverne, on entend déjà les bruits d’une forte animation : voix, rires, chants, etc. Nos amis rentrent à l’intérieur, et aperçoivent immédiatement, un peu à l’écart, un homme à la forte carrure qui leur tourne le dos . Appuyée contre sa table, on peut apercevoir une hache imposante. Prenant des chaises, nos trois amis viennent s’asseoir en face du barbare.

- Bonjour ! dit Targedaël d’une voix enjouée qui s’étrangle dans sa gorge alors qu’il lève les yeux vers Sküm…

Sküm est d’une carrure impressionnante et ses bras nus laissent apercevoir des muscles forts développés. Mais ce qui frappe l’elfe, c’est surtout sa mâchoire protubérante et sa peau olivâtre qui ne laissent pas de place au doute : Sküm a du sang orc. Targedaël ne peut réprimer une grimace de dégoût. Il va pour se relever, mais avant qu’il ne puisse agir, Erasmus commande quelques boissons et Yjir prend la parole :

- Bonjour ami barbare. Toi être Sküm ?
- Ouais, c’est moi. Et alors ?
- Nous être petit groupe d’explorateurs. Nous vouloir découvrir le monde, partir à l’aventure, mais nous penser que notre groupe avoir besoin de fier guerrier en plus de Targedaël. Toi intéressé ?
- Euh… Yjir, je ne suis pas sûr que Sküm soit intéressé, tente Targedaël, visiblement mal à l’aise…
- Ca peut m’intéresser, ça dépend combien vous payez…
- Eh bien désolé, répond Targedaël sèchement, nous cherchions un compagnon, pas un mercenaire…
- Il y a peut-être moyen de s’arranger, intervient Erasmus diplomatiquement. Que dirais-tu de la chose suivante : nous t’engageons pour une première expédition, moyennant un prix de 10 barons d’or par jour. A la fin de la première expédition, si nous sommes toujours intéressés et si tu souhaites nous rejoindre en temps que compagnon, tu ne seras plus rémunéré, mais tu partageras les subsides de notre activité comme tous les autres…

Targedaël fusille Erasmus du regard tandis que la serveuse dépose quelques bières sur la table. Le gnome, comme Yjir, ne comprennent pas bien ce qui se passe. Soudain, une des choppes de bière éclate en mille morceaux sans que personne ne l’aie touchée, faisant sursauter tout le monde autour de la table.

- Très drôle, Erasmus, s’exclame Targedaël.
- Mais c’est pas moi ! se défend le gnome.
- Alors c’est moi peut-être, répond l’elfe, excédé. Je commence à en avoir vraiment assez de ton humour à la noix.

Targedaël se lève et quitte la taverne, furieux.

- Qu’est-ce qu’il lui prend ? demande Erasmus, stupéfait.
- Moi pas savoir… Lui bizarre…
- Je pense qu’il n’aime que moyennement les orcs et leur descendance… intervient Sküm d’une voix grave.
- Ce n’est sûrement pas ça ! répond Erasmus. Je commence à bien le connaître, il est pas comme ça. Enfin bref, on verra ça plus tard. Que penses-tu de notre offre ?
- Ca me va bien. Et puis si ça fait enrager l’elfe, c’est pas plus mal ! Quand est-ce qu’on commence ?
- Euh, et bien, pour l’instant on a pas encore trop décidé ce qu’on allait faire. Si tu veux tu peux passer ce soir au Coq Hardi et on en discutera !
- Très bien ! A ce soir alors !

Le soir venu, nos amis se retrouvent effectivement avec Sküm autour d’un bon brouet au Coq Hardi. Targedaël est silencieux et sa mine est renfrognée. Nos amis discutent de leur prochaine étape entre deux gorgées de bière (ou de thé pour certains) lorsque qu’un halfelin vêtu de vert et de brun glisse la tête par la porte et dit :

- Eh, Umar, t’as acheté un loup ?
- Non Bolden, répond le tenancier nain. Il appartient à monsieur, ajoute-t’il en montrant Yjir du doigt.
- Il est superbe, dit le halfelin en regardant le druide. Je peux aller le caresser ?
- Ca pas de problème, si lui pas te mordre, dit Yjir en se levant.

Le druide et le halfelin ressortent donc de l’auberge et s’approchent d’Œil de Nuit, qui jappe de joie. Yjir se rend vite compte que non seulement Bolden aime les animaux, mais qu’il a de toute évidence une empathie particulière à leur égard. Après avoir joué quelques minutes avec le loup, Yjir propose à Bolden de les rejoindre à l’intérieur de l’auberge pour discuter.

- Je m’appelle Bolden, se présente donc le Halfelin. Je fais partie des Guides d’Argûnn.
- Quoi être Guides d’Argûnn ? demande Yjir.
- Une organisation de guides qui vendent leur service pour escorter les caravanes, traquer les animaux sauvages, explorer les forêts, etc.
- Et ils engagent même les demi-portions ? s’exclame Erasmus, passablement éméché.
- Ouaip, mais je pense que les gnomes glabres ne sont pas admis, répond Bolden en rigolant.

La discussion s’anime, Bolden et Erasmus échangeant des mauvaises blagues. Seul Targedaël reste en retrait, examinant discrètement Sküm lorsque celui ne le regarde pas.

- Dis Yjir, je peux te demander où tu t’est fait faire ces tatouages, demande le halfelin.
- Ca marques traditionnelles de ma tribu. Ca dire que moi Grand Aigle, et dire à esprits que moi protégé par tribu.
- Tu sais, quand j’étais petit, mon grand-père me racontait souvent l’histoire d’un homme tatoué de la tête aux pieds qui était arrivé au village au bord de la mort, escorté par des dizaines d’animaux sauvages. Les villageois l’avaient soigné, et il avait même sympathisé avec l’un d’entre eux, Romero, si bien que quand il est reparti, Romero est reparti avec lui. J’adorais cette histoire.
- Lui peut-être Shaman de mon peuple… répond Yjir, intrigué. Où être ton village ?
- Je viens de Bourguerive, au nord d’ici, dans la province d’Ezkül.

Alors que nos amis discutent toujours, la porte de l’auberge s’ouvre de nouveau et deux nains, visiblement des voyageurs à voir leurs vêtements poussiéreux entrent dans l’établissement. Umar semble les connaître, et les invite à partager une table avec lui. Ils discutent tous les trois dans un coin de la pièce, mais à la fin de la soirée, les nains repartent.

Alors que Bolden est parti se coucher et que nos amis se préparent à prendre congé, Umar vient les retrouver. Il essaie d’être jovial mais Yjir, dont les sens ne sont pas éméchés par la boisson, a le sentiment qu’il est préoccupé.

- Est-ce que vous avez décidé de ce que vous allez faire maintenant ? demande la nain.
- Pas vraiment, réponde Erasmus. On a une piste, une carte d’une portion du Donjon d’Argûnn qu’on a retrouvée lors de notre expédition, mais on se dit qu’on est peut-être un peu bleus pour se frotter déjà au Donjon…
- Si ça vous intéresse, j’ai peut-être une mission pour vous.
- Dis toujours, répond Erasmus.
- Je viens d’apprendre ce soir de mes amis nains que ma cousine Annella allait se marier. Je souhaiterais pouvoir me rendre à son mariage mais c’est le début de la saison. Si je ferme maintenant je vais me retrouver sans le sou. Du coup, je souhaiterais lui faire parvenir un cadeau. Est-ce que vous seriez prêt, moyennant finance, évidemment, à vous rendre à Dwargon pour lui remettre le présent ?
- Dwargon ? Ca fait une bonne dizaine de jours de marche, non ? demande le gnome.
- Plutôt entre six et huit, mais la mariage est dans douze jours, donc ça vous laisserait largement le temps de flâner à Naïm.
- Pourquoi pas, dit Erasmus. Vous en pensez quoi, les amis ?
- Moi d’accord, dit Yjir. Moi préférer ça à visiter encore couloirs souterrains de Donjon d’Argûnn.
- Moi, c’est comme vous voulez, dit Sküm.
- Hrrrmph, grommelle Targedaël en se levant pour aller se coucher…
- Bon, ben c’est entendu, Umar. Combien tu nous donne ?
- Je ne suis pas très riche, mais je peux vous proposer 50 barons d’or. D’ici à votre retour, je devrais en avoir cinquante de plus pour vous !
- Tope là, dit le gnome. On partira au petit matin.

Le lendemain matin, à l’aube, la petite équipe se prépare au départ et prend son congé d’Umar. Celui-ci leur remet les cinquante barons promis, et un petit paquer enveloppé dans du parchemin. « Bon courage ! » leur lance-t’il alors qu’ils se mettent en route.

A la sortie de Taërion encore endormi, nos amis présentent aux gardes leur attestation de taxation qui prouve qu’ils ont payé la taxe sur les objets qu’ils sortent de Taërion. Alors que les gardes effectuent une fouille sommaire de leurs effets, ils entendent derrière eux une voix familière qui crie, rigolarde :

- Arrêtez-les, arrêtes-les, ils tentent de sortir trois galettes de maïs en contrebande !

C’est Bolden, visiblement équipé pour la route, qui vient juste d’émerger de la pénombre matinale. Nos héros ayant passé les formalités de sortie, ils se mettent en route accompagnés du guide halfelin.

- Où vous allez comme ça ?
- Umar nous a engagé pour amener un paquer à Dwargon, chez les nains, répond Erasmus.
- Ah, ben c’est sur ma route. Je vais à Serdel pour le match de rouste entre Taërion et Serdel.
- Quoi ça être rouste ? demande Yjir avec l’éloquence qu’on lui connaît.

Et Bolden d’expliquer avec enthousiasme que la rouste est un sport national des Baronnies Naïmides, presque aussi populaire que les Arènes de Naïm et surtout, accessible à tout un chacun. Chaque village a son équipe et les compétitions sont fréquentes. C'est un sport assez dur qui consiste à faire parvenir un ballon ovale derrière les lignes adverses. Le ballon ne peut-être passé qu'en arrière et les porteurs de ballon sont souvent victimes de coups plutôt violents...

- Je me déplace souvent pour les matchs de la région, pour faire soigneur. Il faut dire qu’il y en a qui prennent des sales coups, mais quand même, c’est génial ! Si vous avez le temps, vous devriez rester pour la partie !

Après deux bonnes heures de marche, nos amis arrivent en vue de Serdel, petite bourgade sur la route entre Taërion et Samella. Les quatre aventuriers ont décidé de rester le temps de la rencontre, même si Yjir semble peu intéressé. Erasmus et Targedaël, par contre, posent des questions sur les règles et le déroulement du jeu. Non loin de l’entrée du village, un champ a été aménagé en terrain de jeu, et deux petites bâtisses de chaque côté abritent les vestiaires des joueurs. Bolden présente les héros à Larquette et Roëland, deux hommes assez âgés qui connaissent bien le jeu et semblent chacun soutenir une des deux équipes : « Expliquez leur ce qui se passe, et encouragez les à choisir leur camp » leur demande Bolden en riant avant de s’éclipser.

- Vous voyez le jeune blond, là ? demande Larquette à nos amis. Il s’appelle Nam. C’est un nouveau joueur de Serdel. Vif comme l’éclair ! Je suis sûr qu’il va marquer au moins un point. De toute façon, les Taërions sont rouillés, ils manquent de sang neuf, on va en faire une bouchée de pain !
- L’écoutez pas, répond Roëland en riant. Il oublie de vous dire que ça fait quatre ans que Serdel n’a pas battu Taërion, et que ses petits paysans ont peut-être recruté une flèche, mais que les autres seraient plutôt des limaces !

Les échanges de civilités entre les supporters des deux équipes continuent ainsi jusqu’au coup d’envoi de la partie, avec toutefois un esprit bon enfant, si bien qu’Erasmus et Targedaël choisissent leurs équipes, le gnome soutenant Taërion avec Roëland et l’elfe Serdel avec Larquette. Ils posent aux deux vieux commentateurs des questions sur les joueurs, les règles et les blessures…

- Ca arrive souvent ? demande Erasmus
- Quelques fois par match, répond Larquette, mais c’est rarement grave.
- Quelques foulures, des égratignures un peu moches, des bleus et parfois une petite fracture, renchérit Roëland sous le regard horrifié d’Yjir qui ne peut pas comprendre qu’on se fasse physiquement mal pour un jeu…

Enfin, la partie commence. La rouste est effectivement un sport violent, à la hauteur de sa réputation. Au bout de quelques minutes, alors qu’un joueur de Serdel sort avec un doigt cassé, Yjir s’approche de lui, prêt à le soigner :

- Puissante magie de nature aider toi à te remettre de blessure, dit-il en s’approchant du blessé.
- C’est qui ce type, demande le joueur à Bolden, l’air inquiet.
- C’est un shaman. Il peut vraiment te soigner, tu sais, répond le Halfelin.
- Euuuuh… Je crois pas non. La sorcellerie, c’est pas mon truc, répond le joueur, préférant demander à Bolden de lui mettre une attelle pour que son doigt se remette en place.

Yjir repart, dépité et encore plus atterré par l’attitude stupide et violente des joueurs. Sküm, qu’on aurait pu croire intéressé a priori semble s’ennuyer, et il se promène autour du terrain sans s’intéresser trop à ce qui s’y passe. Par contre, Erasmus et Targedaël sont à fond dans la partie, le gnome étant le plus bruyant des deux :

- TA-Ë-RION, TA-Ë-RION, scande-t’il avec les supporters de l’équipe favorite. D’ailleurs, lorsque celle-ci marque, à la fin de la première mi-temps, c’est l’explosion de joie dans les tribunes de Taërion alors que de l’autre côté du terrain ce ne sont que sifflements, quolibets et mines dépitées. Erasmus se permet une petite danse de soutien avec Roëland tandis que Targedaël et Larquette insistent sur la chance insolente de l’équipe… Yjir se prend la tête entre les mains, abasourdi par la stupidité des hommes dits civilisés…

Juste avant que l’arbitre ne siffle la mi-temps, un des joueurs de Taërion se prend un mauvais coup et sa jambe adopte un angle peu ragoûtant. Bolden et quelques volontaires sortent le joueur du terrain et l’acheminent dans les vestiaires de Taërion. Yjir fait mine d’aller leur prêter main forte, mais Bolden lui fait comprendre d’un coup d’œil que son apparence et sa réputation de « sorcier » font qu’il vaut mieux qu’il s’abstienne. Le druide fulmine et retourne auprès de ses amis.

A la mi-temps, nos amis se restaurent rapidement auprès d’un marchand de casse-croûtes locaux.. Targedaël et Erasmus échangent quelques quolibets, Targedaël affirmant que maintenant que les joueurs sont chauds, les choses vont changer.

Effectivement, le début de la seconde mi-temps semble lui donner raison : après quelques minutes de jeu seulement, Nam, la jeune et récente recrue de Serdel parvient à s’emparer du ballon et, après une course superbe à travers les deux tiers du terrain, évitant habilement les défenseurs de Taërion, il vient marquer un point, ramenant les deux équipes à égalité. Targdaël hurle de joie :

-SERDEEEEEEEEEEEL ! crie-t’il avec les nombreux supporters de l’équipe locale.

Le jeu reprend, mais on sent que depuis l’égalisation, la tension est montée d’un cran : l’équipe de Serdel se voit en mesure de l’emporter, pour la première fois depuis des lustres, alors que les joueurs de Taërion tentent de mettre le paquet pour marquer de nouveau un écart. Les échauffourées sont plus brutales, et les porteurs du ballon prennent des coups durs, et souvent vicieusement placés. Bientôt, un joueur de Taërion, Zadine, pourtant costaud, se fait coincer par deux joueurs de Serdel alors qu’il court le ballon à la main vers la ligne adverse. Le choc est rude, et le joueur de Taërion tombe au sol, le bras visiblement démis.

L’arbitre sonne un arrêt de jeu, le temps d’évacuer le joueur, et tout le monde attend que Bolden et ses volontaires interviennent, mais de Bolden, pas de trace… Les volontaires évacuent néanmoins le joueur. Yjir et Skum, peu passionnés pas le jeu et intrigués par l’absence du Halfelin décident de faire un tour au vestiaire pour voir ce qui se passe. Alors qu'ils pénètrent à l'intérieur, ils trouvent Bolden baignant dans une mare de son sang. Il est mort.

- Regarde son cou, dit Skum d’une voix un peu tremblante. Il a été égorgé, sans doute avec une dague.
- Nous pas nous approcher, Sküm. Regarde là : ça trace de botte. Meurtrier sans doute avoir sang sur bottes…
- Inspectons quand même prudemment les lieux : à partir du moment où on annonce sa mort, ça va être la cohue, ici…

Les deux amis, surmontant leur répugnance, examinent donc prudemment l’intérieur du vestiaire. Outre la trace de botte, Yjir repère sous un banc un objet inhabituel qui, une fois nettoyé du sang dans lequel il baigne, s’avère être une gemme de petite taille. Ne trouvant aucun autre indice, Yjir trempe néanmoins un morceau de tissu dans le sang de Bolden avant de ressortir avec Sküm. Celui-ci prend sa plus grosse voix pour hurler par dessus le bruit ambiant :

- Arrêtez tout ! Bolden a été assassiné !

Un silence lourd s’installe autour du terrain. Les joueurs ont l’air abasourdi tandis que quelques supporters et les autorités de Serdel qui assistaient au match se rapprochent de Sküm et Yjir. Yjir prend la parole plus calmement :

- Nous avoir découvert cadavre de Bolden dans vestiaire. Lui assassiné sans doute durant mi-temps. Il y a trace de botte dans sang de Bolden. Moi faire sentir odeur du sang à loup Œil de Nuit et lui sans doute repérer le meurtrier.

Il s’exécute, et Œil de Nuit, humant l’air, file à travers les gens étonnées et inquiets. A l’arrière de la foule amassée, un homme se détache, tentant de s’enfuir en courant. Le loup lui saute sur le dos, le plaquant à terre alors que la foule émet un murmure d’étonnement : il s’agit de Renzi, l'entraîneur de l'équipe de Taërion. Sküm et Yjir sont rapidement sur les lieux et le demi-orc ceinture l’homme sans peine. Avant même de lui poser des questions, Yjir examine ses bottes et constate bien vite que la boue qui recouvre la botte noire a une teinte rougeâtre…

Nos quatre compagnons entourent Renzi, et s’apprêtent à le faire parler :

- Pourquoi est-ce que tu as assassiné Bolden ? demande Targedaël d’une voix menaçante…

L’homme ne répond pas. Sküm s’approche, faisant rouler ses muscles pour intimider l’entraîneur, quand soudain un homme fend la foule :

- Attendez un instant, dit-il. Il vous manque trop d’éléments pour poser les bonnes questions !
- Qui êtes vous ? demande Erasmus d’un air méfiant.
- Je me présente : sergent Malmon, de la Garde Douanière.

L’homme sort de sa chemise une insigne présentant cinq pièces d’or sur fond marine, l’insigne de la Garde Douanière avant de reprendre :

- Cet homme, dit-il en montrant Renzi du doigt, est soupçonné depuis un moment d’être un contrebandier. J’enquête depuis plusieurs semaines sur un trafic d’objets précieux extraits du Donjon d’Argûnn, et je pense non seulement qu’il est impliqué, mais que ce match de rouste est une couverture pour un échange de marchandises.

Le sergent Malmon s’approche de Renzi et des héros.

- Alors, reprend Yjir en regardant l’entraîneur dans les yeux, pourquoi toi assassiner Bolden ?
- Je n’ai tué personne, se défend l’homme. J’ai trouvé Bolden mort dans le vestiaire comme vous, et j’ai paniqué, j’ai perdu la tête… C’était un bon ami, je ne savais pas quoi faire. Et puis je ne voulais pas interrompre un match si important, j’étais en train d’aller prévenir la milice de Serdel…

Nos amis se regardent, mais il n’y a pas besoin d’être devin pour comprendre que Renzi ment. Alors que Sküm s’approche pour lui faire cracher le morceau par la méthode forte, Yjir marmonne quelques mots dans sa langue gutturale, et soudain brandit sous les yeux de l’entraîneur une petite vipère.

- Regarde serpent, dit il d’une voix dure. Lui pouvoir malencontreusement tomber dans chemise à toi… Lui souvent mordre lorsque effrayé… Et venin vipère être méchante chose : toi mettre plusieurs heures à mourir, souffrances être atroces…

Pris de panique, Renzi regarde de tous côtés si quelqu’un va lui apporter son soutien, mais l’assistance est trop abasourdie pour prendre sa défense. Finalement, il semble craquer, et, des larmes dans la voix, il avoue son crime…

- Depuis quelques temps, j’utilise l’équipement des joueurs pour faire de la contrebande de bijoux et de petits objets précieux. Quand Zadine s’est blessé à la jambe, Bolden a du découper sa botte pour bander la blessure. Il a senti qu’il y avait quelque chose de bizarre dans le talon. Quand Zadine est ressorti en boitant et la jambe bandée, j’ai vu Bolden rentrer de nouveau dans le vestiaire, et j’ai compris qu’il avait vu quelque chose… Je l’ai tué avant qu’il ne puisse parler… J’ai perdu la tête. J’aurais du m’enfuir, mais je voulais connaître la fin du match… Je ne pensais pas avoir de sang sur les bottes… Sans ce maudit loup, vous ne m’auriez jamais retrouvé…

- Et, pour qui travailles-tu ? demande fermement le sergent Malmon.
- Pour personne. Pour moi-même, répond Renzi.
- Tu ne peux pas t’attendre à ce que je croie cela. Tu es bien trop minable pour organiser seul un trafic de cette envergure…
- C’est faux, je suis mon propre patron !

Sküm se fait de nouveau menaçant et, maintenant l’homme par derrière, il commence à tordre son bras jusqu’à ce que la douleur de Renzi soit intolérable.

- Je vais parler, je vais parler, hurle-t’il…

Un long silence s’ensuit. Tous les regards sont rivés sur l’entraîneur, et tout le monde sent que la révélation qui va s’ensuivre est d’une grande importance :

- Vous avez raison. Je suis un minable. Je ne travaille pas pour moi-même. J’ai été commandité par…

A ce moment, on entend en rapide succession deux claquements secs et la gorge de Renzi est transpercée de deux flèches avant qu’il ait pu dénoncer son employeur… L’entraîneur s’écroule dans un bain de sang tandis que nos héros regardent alentour pour trouver l’assassin. A une cinquantaine de mètres, sur le toit des vestiaires de Serdel se tient une silhouette noire, un arc à la main.

Sküm s'élance, vite suivi de Targedaël et de Yjir. Le demi-orc arrive rapidement au pied des vestiaires, alors que l’homme encapuchonné atteint tout juste le sol. Prêt à jouer de la hache, le barbare se rue sur son adversaire, mais l'homme, rapide comme l'éclair, lui assène un coup de rapière précis juste au dessous de la clavicule et, stupéfait, Sküm s’écroule au sol. Il est conscient, mais il ne contrôle plus ses muscles. C’est dans ce piteux état que le rejoignent les autres, alors que l’homme a disparu… Il ne laisse derrière lui qu'un arc de superbe facture qu'il a abandonné dans sa fuite.

Targedaël ramasse l’arc et l’examine attentivement. Il s’agit d’un arc à poulie, de toute évidence fabriqué par un artisan exceptionnel, très léger et en même temps robuste. Se doutant que cette arme lui permettra de tirer plus loin et avec plus de précision, Targedaël se l’approprie. Nos héros sont bientôt rejoints par le Sergent Malmon (qui ne semble pas impatient de prendre des risques physiques inutiles). Il leur confie quelques détails supplémentaires sur son enquête :

- Cela fait un moment que nous surveillons Renzi. Je me doutais que nous pourrions le coincer un de ces jours, mais si j’ai décidé d’agir aujourd’hui c’est qu’un de nos informateurs nous a laissé entendre que la marchandise convoyée serait particulière : outre les gemmes dont vous avez trouvé un échantillon, il semblerait que les contrebandiers aient tenté de faire passer un bijou de très grande valeur récupéré au fin fond du Donjon d’Argûnn…
- Vous avez retrouvé quelque chose ? demande Erasmus, curieux.
- Pas encore, mais mes hommes ont récupéré tout l’équipement des joueurs et cerné le vestiaire. Le corps de votre ami a été emporté. Vous avez montré votre perspicacité jusque là, et je souhaiterais vous faire participer à la suite de l’enquête, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. La Garde Douanière saura vous récompenser…

Nos amis décident dont de suivre le sergent vers le vestiaire de Taërion. Suivant les indications de Renzi, ils commencent à découper les bottes des joueurs de Taërion et, effectivement, dans une bonne partie des talons de celles-ci, des caches ont été creusées, dans lesquelles ils trouvent des gemmes de diverses natures. Ils examinent ensuite l’ensemble de l’équipement des joueurs, mais nulle trace d’un bijou de valeur…

- C’est étrange, dit le sergent Malmon… Vous n’avez pas une idée de comment ils auraient pu essayer de faire passer un objet de la grosseur d’un œuf à peu près ?

Soudain, Targedaël et Erasmus se regardent, un éclat inquiet dans l’œil.

- Hum… Non, je ne sais pas bien, dit Erasmus, en se levant. Je vais aller examiner les alentours des vestiaires, on ne sait jamais.

Dès qu’il est sorti du bâtiment, le gnome se cache derrière une pile de troncs d’arbre et sort de sa besace le paquet remis par Umar… Saisi par la doute, il hésite un instant puis, rapidement, il déplie le parchemin entourant la boîte et ouvre celle-ci. A l’intérieur, il aperçoit un simple anneau assez large, taillé dans un argent au reflets bleutés et orné de runes naines. Avec un soupir de soulagement, il referme la boîte et l’empaquette de nouveau dans le parchemin, regrettant d’avoir douté du bon aubergiste Umar…

Tandis qu’Erasmus rentre de nouveau dans les vestiaires, les autres son en train de réfléchir avec le sergent à la manière dont les contrebandiers ont pu camoufler le bijou. Soudain, Targedaël se lève et dit :

- Le ballon, où est le ballon ? demande l’elfe d’une voix surexcitée.

Bien vite, les homme de la Garde Douanière amènent le ballon à Targedaël. Celui-ci le prend en main et dit soudain, en palissant : « Il y a quelque chose dedans, j’en suis sûr… Un objet à l’enchantement puissant… » Erasmus jette un regard étonné à son ami et, marmonnant quelques mots, il tend la main lui-même vers la ballon.

- Mais c’est vrai, s’exclame-t’il… Comment tu sais ça, toi ?
- Je ne sais pas, j’en suis sûr, c’est tout…

Erasmus regarde l’elfe d’un air étrange puis, prenant sa dague, il crève le ballon. La paille avec laquelle celui-ci est bourré se répand dans les vestiaires, et le gnome y plonge la main. Il en ressort un rubis de la taille d’un œuf de poule, serti dans une lourde chaîne en or massif. Toutefois, alors qu’il soupèse l’objet, une grimace lui traverse le visage. Il pose le rubis sur un banc en disant : « Je n’aime pas ce bijou… Il a une aura malsaine… »

En tous cas, le sergent Malmon est ravi. Il remercie chaudement Targedaël et ses amis et leur propose de passer la nuit à l’auberge de Serdel, aux frais de la Garde Douanière. Avant de s’installer, toutefois, le sergent Malmon propose de fouiller le corps de Renzi. Quelle n’est pas la surprise de nos amis en constatant que celui-ci avait à l’avant bras un tatouage d’un rat noir…

Nos amis passent donc une agréable soirée en compagnie du Sergent qui, s’il ne semble pas être des plus fins et néanmoins amusant. A la fin de la soirée, sans doute rendu généreux par la boisson, le sergent remercie encore nos amis de leur aide et, pour les récompenser, il leur remet une lettre à valoir dans les bureaux de la Garde Douanière et leur donnant droit à une récompense de 100 barons d'or. Chacun se rend dans sa chambre pour une nuit de repos bien méritée.

Malheureusement, la nuit ne se passe pas sans encombres : Yjir émerge soudain d’un profond sommeil, semblant avoir entendu non loin un bruit. Un cri, peut-être ? Autour de lui, tout n’est que quiétude, la petite chambre d’auberge éclairée seulement par la lumière de la lune. Pris d’un doute, le druide se lève nu de sa couche et, sans même se couvrir, il ouvre discrètement la porte du couloir. Il examine rapidement celui-ci mais ne remarque rien de particulier jusqu’à ce que, s’apprêtant à retourner dormir, il s’aperçoive que la porte de la chambre du sergent Malmon est légèrement entrouverte.

Cette fois ci, Yjir s’entoure rapidement la taille d’une fourrure et se dirige vers la chambre du sergent. « Sergent Malmon, vous être réveillé ? » demande le druide en poussant légèrement la porte. A l’intérieur tout semble calme, mais la fenêtre du sergent est grande ouverte sur la nuit froide. Saisi d’une inquiétude grandissante, Yjir s’approche du lit et, à la lumière de lune, aperçoit le sergent. Sa gorge a été tranchée d’une main experte et les draps baignent dans le sang encore chaud du fonctionnaire…

Yjir donne immédiatement l’alarme, mais le meurtrier du sergent semble avoir quitté les lieux. Les assistants du Sergent Malmon, choqués mais professionnels, font le tour de la chambre pour trouver quelques indices, mais ils ne peuvent que constater une chose : l’énorme rubis, objet du délit, a disparu… Au moins, le mobile est clair…

Après une fin de nuit désagréable à répondre aux questions de la milice du Baron Béoric dépêchée sur les lieux, nos amis reprennent finalement la route en direction de Samella. Ils marchent pendant une bonne journée, essuyant quelques averses de cette fin de printemps. L’humeur n’est pas au beau fixe, et Sküm en particulier semble avoir du mal à digérer sa défaite si facile des mains de l’assassin de Renzi. Enfin, le soir venu, nos amis parviennent à une auberge le long de la route appelée le « Dindon Farceur ». Le lieu paraissant accueillant, Yjir encourage Œil de Nuit à partir se dégourdir les jambes dans la nature pendant que le reste du groupe se restaure.

L’ambiance chaleureuse du lieu et la bonne chère contribuent à dérider un peu nos héros. La salle est éclairée et chauffée par un bon feu de bois autour duquel quelques hommes du cru descendent des bières, tandis que dans un coin une jeune voyageuse déguste un potage. Erasmus raconte quelques bonnes histoires gnomes à ses compères, qui font rire Targedaël et sur lesquelles Yjir s’interroge. Le druide reste assez hermétique à la notion l’humour et à l’ironie telle que les manie le gnome.

Un peu plus tard dans la soirée, alors que nos amis se préparent à se retirer, quelques jeunes des environs, ayant un peu trop bu sans doute, commencent à importuner la jeune femme, faisant des sous-entendus peu subtils sur ses attraits physiques. Avant que le patron du bar ne puisse intervenir, Targedaël se lève et Erasmus entonne une rapide mélopée en agitant les mains. Deux des trois importuns s’écroulent, terrassés par une fatigue surnaturelle, tandis que le visage du troisième fait une rencontre à haute vélocité avec le poing de l’elfe. Il s’enfuit en courant, et nos amis, attrapant les corps endormis des deux autres, les jettent à l’extérieur.

La jeune femme, éperdue de reconnaissance, demande à nos amis si elle peut les rejoindre à leur table. Du coup, Erasmus commande une nouvelle tournée pour tout le monde, et la discussion reprend. Lorana, puisque tel est son nom, raconte qu’elle est en route vers Samella à la recherche de son père, qui les a abandonnées, elle et sa mère, lorsqu’elle était petite et qu’elle souhaite le retrouver aujourd’hui. Nos amis quant à eux, racontent sans trop de détails leur aventure dans le Tombeau de Varnôn. Assez vite, il paraît évident que Targedaël et Lorana échangent des regards lourds d’émotion, si bien qu’Yjir et Sküm se retirent. Erasmus, qui n’est pas très sensible au romantisme, s’attarde jusqu’à ce que finalement Lorana demande à Targedaël s’il désire l’accompagner dans une promenade nocturne. Les deux tourtereaux vont donc se promener sous la lumière de la lune, tandis que le gnome, un peu renfrogné, s’en retourne potasser ses livres de magie…

Plus tard, la femme et l’elfe regagnent la chambre de ce dernier et passent ensemble une nuit d’une telle passion que Targedaël finit par sombrer dans une torpeur proche du sommeil, que pourtant les elfes ne connaissent pas. Les yeux fermés, il se remémore la couleur pâle de sa peau, ses cheveux blonds tombant en cascades sur son visage, sa légère fragrance de pêche… Lorsqu’il émerge de sa rêverie, c’est l’aube. Les draps portent encore l’odeur de Lorana. Sourire aux lèvres, Targedaël ouvre les yeux et se retourne vers elle, mais son sourire se fige. Là, sur l’oreiller de la jeune femme, il y a une dague plantée qui retient un parchemin… La main tremblante, l’elfe enlève la dague et lit le message destiné à son attention : « Je reprends mon arc. La prochaine fois, tu n’auras sans doute pas autant de chance. L. »

Lorsque Targedaël sort de sa chambre quelques minutes plus tard, il est un peu pâle et ses jambes chancellent…
 
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Sammael99

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Commentaires de l'épisode 2 : Une Partie de Rouste

Ce second scénario met en place un certain nombre d'éléments et de personnages qui vont devenir cruciaux pour la suite de la campagne à savoir :

Lorana : Lorana est une redoutable guerrière/assassin qui travaille en "freelance" pour la Grise Guilde. Elle est maître du déguisement et sa technique de meurtre préférée est la double flèche empoisonnée dans la gorge. Après cette rencontre étrange et inquiétante, le personnage de Targedaël est resté fasciné par cette femme de mort, au grand dam des autres personnages, particulièrement de Sküm qui, blessé dans son honneur d'avoir été incapacité d'un simple coup d'épée a gardé une rancune tenace à l'égard de Lorana.

La Grise Guilde : On comprend dans cette histoire que la Grise Guilde a des activités plus sinistres que ce que le premier épisode a pu laisser supposer. Le fait qu'ils n'aient pas hésité à tuer Bolden, puis Renzi est inquiétant... En l'occurence, la Grise Guilde a travaillé à la récupération du Rubis (voir plus bas) pour le compte d'un client qui sera dévoilé sans doute plus tard.

Le Rubis :Cet objet est crucial pour la suite de la campagne. C'est un objet extrèmement puissant dont l'importance sera progressivement révélée au fur et à mesure des aventures. Pour le moment, il est entre les mains de la Grise Guilde, mais on va voir qu'il va créer des remous au sein d'autres organisations dans les mois à venir. Lorsque les personnages comprendront la réelle puissance de l'objet, ce sera amusant qu'ils puissent se dire qu'ils l'ont eu en main...

Dans l'ensemble, mes joueurs ont beaucoup plus apprécié ce scénario que le premier : peu d'action, des enjeux importants, et ils avaient réellement apprécié le personnage de Bolden si bien que sa mort les a touché. Du point de vue des personnages, le développement le plus intéressant suite à ce scénario, c'est la romance qui se trame entre Targedaël et Lorana, qui, pour les raisons qu'on comprendra plus tard, ne pourra pas donner tous ses fruits...
 
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Sammael99

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Lecteurs ?

Je me demandais juste combien d'entre vous lisaient le récit. Ceux qui suivent peuvent-ils poster un message pour que je me fasse un idée ?
 


Chacal

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J'ai lu le debut. Je bookmarque...

Des que j'ai un peu plus de temps, je continue, promis !

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Ca y'est ! J'attends la suite avec impatience !

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Chacal
 
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Sammael99

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Episode Troisième : La Crypte des Protecteurs

Après une bonne journée de marche, nos héros arrivent enfin à Samella. Ils ne savent que peu de choses de cette ville qu’ils n’ont pas eu l’occasion de traverser en se rendant à Taërion, mais ils ont entendu dire par quelques voyageurs le long de la route qu’on l’appelait la Ville aux Cent Dieux en raison de son activité religieuse et de la représentation de nombreuses divinités en ses murs.

Targedaël est d’humeur morose. Il a, bien sûr, raconté à ses acolytes ses déboires nocturnes avec Lorana. Yjir et Erasmus n’ont pas trop réagi, mais Sküm, qui semble avoir développé une haine tenace pour l’assassin rencontré à Serdel, qui n’est autre que la même Lorana, ne manque pas une occasion de rappeler à l’elfe sa naïveté. Mais l’humeur de Targedaël semble plus profondément affectée que s’il avait été simplement abusé…

A l’entrée de Samella, nos acolytes s’acquittent d’une « dîme laïque » sensée servir à l’entretien des (rares) parties de la ville qui ne dépendent pas de tel ou tel culte. Après quelque pas, la portée de la religion dans cette ville les frappe de plain fouet : alors qu’on est à vingt mètres des remparts, nos amis ont déjà été accostés par trois bonimenteurs qui leur proposent des colifichets, des symboles ou des icônes religieux, et des chapelets de prière pour la plupart des dieux connus et quelques uns dont nos amis n’ont jamais entendu parler.

Alors qu’ils s’arrêtent quelques instants pour écouter la harangue d’un prêcheur, Sküm a l’impression qu’on tripote un peu sa ceinture. Soupçonnant l’œuvre d’un tire-bourse, il se retourne brusquement et attrape par la main un svelte halfelin qui tentait visiblement de fouiller ses poches. Il s’apprête à lui infliger une sévère correction quand, sous le masque de crasse et les cheveux hirsutes, il reconnaît un ami : « Garwin, tu as l’air en bien piteux état… » dit-il, un sourire aux lèvres.

- Sküm, c’est toi ? demande le halfelin, toujours pendu par le bras à cinquante centimètres du sol.
- Tu reconnais même pas tes anciens collègues avant de leur faire les poches ? s’exclame le demi-orc, souriant à pleins crocs.
- Te moque pas de moi, répond le halfelin, la mine piteuse… Depuis qu’on s’est quitté, j’ai pas réussi à retrouver un acolyte qui m’aide à faire fortune… J’en suis réduit à agir seul, mais je ne suis pas très doué pour ce qui est couper les bourses…
- Je vois ça ! dit Sküm avant d’éclater de rire…
- Euh… Je peux descendre ? demande enfin le halfelin.

Sküm repose Garwin à terre et, se tournant vers ses compagnons, le leur présente : « Garwin et moi avons travaillé ensemble il y a quelques mois. Ce n’est pas le plus brave des compagnons, mais il est plein de ressources insoupçonnées… Je vous propose qu’on l’embauche parmi nous. Ca te tente, Garwin ? On est en voyage pour Dwargon, dans le royaume des Nains.»

Le halfelin regarde tour à tour l’elfe renfrogné, l’homme tatoué, le gnome à l’air malin et de nouveau le colosse demi-orc, puis il se remémorant l’absence de contenu de sa bourse, les nuits passées dans la rue le ventre vide et les courses poursuites avec la milice de Samella. « Ben, si vous voulez bien de moi, je peux pas dire que j’aie mieux à faire… »

Les trois compagnons de Sküm se regardent. Targedaël hausse les épaules d’un air indifférent. Yjir fait un vague sourire, et c’est finalement Erasmus qui manifeste le plus de plaisir à l’idée de trouver un compagnon à sa hauteur : « Tu verras, dit le gnome au halfelin, entre petites gens, on se serrera les coudes ! »

Nos amis, intimidés sans doute par le zèle religieux des habitants de Samella, préfèrent ne pas s’y attarder et reprennent aussitôt la route. Après une journée et demi de marche, ils arrivent donc à leur étape suivante, Naïm, principale ville des Baronnies Naïmides et demeure du Prince Rubis auquel sont soumis les Barons des quatre autres provinces que baignent la rivière Naïmide.

La ville est construite sur et autour de la Naïmide qui, à ce stade de son cours, fait une bonne demi-lieue de large. Naïm est entourée d'une puissante enceinte qui filtre à la fois les personnes et les barges qui arrivent de l’amont ou de l’aval du fleuve. Après s’être acquitté d’une taxe de quelques barons d’argent pour entrer dans la ville, nos héros arrivent bien vite au bord du fleuve. Là, quelques barges et nombre de bateaux plus modestes sont à quai, tandis que sur l’immense ponton, un va et vient permanent de marchandises fait penser à l’activité d’une ruche au moment des floraisons. Yjir est stupéfait et se tient là, comme abasourdi, tandis qu’Œil de Nuit gémit doucement.
- Aaaaah ! s’exclame Erasmus. Ca fait plaisir de revenir à la civilisation, non ?

Comme pour lui répondre, le propriétaire d’une des barques s’approche de nos amis et les interpelle :

- Mes bons seigneurs cherchent sans doute passage pour l’Ile des Protecteurs ? demande-t’il d’une voix mielleuse…
- Et c’est ce que vous proposez, j’imagine ? répond Erasmus
- Absolument, Monseigneur ! Pour une modique somme, je loue mon embarcation de confort pour des gens de qualité tels que vous.
- Modique comment ?
- Seulement un baron d’or par personne !
- J’espère que pour ce prix là, ton embarcation est en bois de Santal et que l’intérieur est tendu de soie et de velours… Pas question ! Un baron d’or pour nous tous, et c’est encore bien cher payé !
- Allons, monseigneur, j’ai une femme et des enfants à faire vivre, ayez bon cœur…
- Ils n’ont aucune raison de vivre comme des princes à notre crochet. Tu connais mon prix, s’il ne te convient pas, tes nombreux collègues seront sans doute heureux de nous servir…

En grommelant, le bateleur accepte la proposition du gnome et indique à nos amis une barque miteuse accostée non loin. Les cinq héros se serrent sur les bancs latéraux tandis que le bateleur sort une longue perche et entreprend de les propulser de l’autre côté de ce bras de la Naïmide. Erasmus engage de nouveau la conversation avec le bateleur, essayant de glaner des renseignements sur Naïm :

- Combien d’îles comporte la ville, mon brave ? demande-t’il, légèrement condescendant.
- Quatre principales, si l’on compte l’île du Prince, mais les gens du commun comme vous et moi, sauf votre respect, n’y ont pas accès.
- Et comment s’appelle les deux autres îles ?
- Il y a l’île des Marchands, et l’île du Temple, sur laquelle se trouve le Temple d’Ehrûn. C’est le plus grand des Baronnies Naïmides !
- Tu ferais presque un bon guide touristique. Quelles sont les attractions dignes de ce nom à Naïm ?
- Si vous avez le temps, ne manquez pas de passer aux arènes ! Les combats y sont grandioses ! Tous les pires brigands et les hors la loi y sont confrontés à des monstres maintenus en captivité, c’est toujours un spectacle passionnant !
- Ouais, pas mal. Et tu sais où est le siège de la Guilde de Haute-Magie ?
- Euh… non messire, répond le bateleur en regardant Erasmus d’un air inquiet…

Pendant ce temps, Targedaël, toujours morose, a sorti de sa besace la dague que Lorana lui a laissée, plantée dans son oreiller. Il l’examine d’un air pensif, la faisant tourner entre ses mains. Soudain, Sküm pousse un hurlement tout en tentant de dégager sa hache qui est dans son dos :

- Salope ! Je vais te faire la peau, crie-t’il en regardant Targedaël.

Sküm tente de se lever, le bateau se renversant presque sous son poids. L’elfe relève la tête, interloqué, et Sküm a maintenant peint sur le visage un grand étonnement :

- A ta place, là, il y avait l’assassine ! Lorana, crache-t-il, la voix encore haineuse.
- Sküm, c’est Targedaël, pas Lorana, dit Garwin, essayant de calmer le demi-orc et ne comprenant pas bien ce qui a pu se passer…
- Tu perds la tête, mon ami, dit Targedaël à Sküm, se levant à son tour.
- Messires, si vous voulez bien vous rasseoir, cela nous évitera de tous finir au fond de la Naïmide… interrompt le bateleur d’une voix tremblante…

L’elfe et le demi-orc se rassoient donc, non sans se jeter des regards noirs… Un peu plus tard, nos amis accostent sur l’île de Protecteurs et Garwin part se renseigner auprès des passants pour savoir où ils peuvent trouver une auberge correcte. Il revient au bout de quelques minutes :

- On m’a recommandé un établissement tenu par un nain, dit le halfelin à ses amis. Je me suis dit qu’il pourrait peut-être nous en dire plus sur Dwargon, les traditions naines, et tout ça. Ca s’appelle l’Auberge du Nain Sauveur.

L’auberge du Nain Sauveur est un établissement d’apparence respectable sis dans un district visiblement industrieux de l’Ile des Protecteurs. La rue dans lequel elle se trouve regorge d’échoppes d’artisans, et l’activité y est constante. Nos amis sont accueillis par un nain affable répondant au nom d’Erman. Celui-ci, bien que commerçant, rechigne à laisser Œil-de-Nuit rentrer dans son établissement et demande à Yjir de le maintenir sous bonne garde dans la cour extérieure de l’auberge. N’ayant pas connu une auberge digne de ce nom depuis Taërion, nos amis prennent leurs chambres et se délassent quelques minutes, les uns par un bain bien chaud, les autres en allant boire une petite choppe dans la salle commune.

- Aubergiste, demande Targedaël en sirotant un verre d’hydromel, pourquoi ton auberge s’appelle le « Nain Sauveur » ?
- Eh bien, messire, vous n’êtes sans doute pas sans savoir que le peuple nain a sauvé les Baronnies Naïmides il y a fort longtemps, lorsque les armées de Glass menaçaient de prendre contrôle du territoire. L’amitié entre les nains et les hommes est restée forte dans toutes les baronnies de l’Ouest. Comme je viens moi-même de Llambeth, j’ai nommé mon auberge d’après ce glorieux événement de notre histoire commune.
- Je vois… soudain fatigué par cette conversation historique.

- Dites, reprend-il quelques instants plus tard, il n’y aurait pas un endroit un peu raffiné dans le quartier ou l’on pourrait manger ? J’en ai un peu assez de la pâtée pour chien qu’on nous sert dans toutes les auberges qu’on traverse…
- Si j’étais bon commerçant, je vous convaincrais que la chère du Nain Sauveur vaut celle de toutes les tavernes huppées de la ville, répond l’aubergiste, un peu vexé, mais je comprends que vous cherchez un raffinement que le Nain Sauveur n’offre pas. Notre clientèle est effectivement populaire, et c’est ainsi que nous l’apprécions. Je vous recommande la « Feuille de Chêne ». C’est une taverne que vous trouverez non loin des ruines de l’Ancienne Cathédrale. On y sert uniquement de la verdure, la cuisine y est sophistiquée, et un barde y conte des légendes et y chante des chansons.
- C’est exactement ce qu’il nous faut. Aubergiste, tu es trop bavard…

Un peu renfrogné, l’aubergiste s’en va s’occuper des bains de Garwin et de Sküm, tandis qu’Yjir joue dans la cour avec Œil-de-Nuit et qu’Erasmus feuillette un ouvrage en sirotant un vin chaud. Un peu plus tard, ils se retrouvent tous en bas, et Targedaël leur propose de se rendre à la « Feuille de Chêne » pour y manger et entendre un barde chanter. Les voilà partis à travers les rues étroites de Naïm en cette fin de journée printanière. Tous sont plus détendus que pendant le voyage et l’on sent qu’ils souhaitent s’accorder un peu de bon temps pour chasser la tension des dernières semaines.

La Feuille de Chêne est telle qu’Erman l’a décrite, et l’entrée de Sküm ne manque pas d’attirer l’attention dans un établissement de cette classe. Personne ne fait de remarque toutefois, et nos amis se voient servir une succession de plats sans aucune viande. La variété de légumes et de fruits agrémentés d’épices et d’herbes fines font le délice d’Erasmus, de Targedaël et de Garwin, alors qu’Yjir grimace à l’idée de cette cuisine sophistiquée, si peu en accord avec la nature. Sküm, quant à lui, apprécie le goût des mets mais n’arrive pas vraiment à satisfaire sa faim, ce qui n’est pas sans lui causer une certaine frustration.

A la fin du repas, le barde Ysèbe propose aux clients de lui suggérer des morceaux à interpréter. Après quelques chansons locales, Targedaël suggère qu’il interprète le « Lai de Merianna », célèbre histoire d’amour de la tradition elfique. L’interprétation est fort sympathique. Alors que les spectateurs applaudissent à la fin de la chanson, Sküm prend soudain la parole :

- Il n’y en a jamais que pour les elfes. Pourquoi tu ne chanterais pas un chant orc, hein ?

Tout le monde se regarde dans la salle. Une certaine tension est palpable dans l’air, mais le barde sourit de toutes ses dents et s’adresse au demi-orc :

- De quelle tradition est monsieur ? Dois-je piocher dans le répertoire Azkash-Nabrûk ou parmi les chants de voyages des nomades Erizkines ?

Sküm est évidemment pris de court, lui qui n’a pas été élevé dans la tradition orque…

- Euh, et bien, un chant guerrier des Azkash-Machins là, ce sera très bien…

Ysèbe, toujours souriant, un éclair de malice dans les yeux entonne avec entrain un chant guttural en langue orque. Il joue en même temps de son luth dont il a habilement désaccordé certaines cordes, ce qui lui permet de s’accompagner d’une rythmique dissonante tout à fait appropriée au chant.

A la fin du morceau, le public est fasciné. « Le morceau que je viens de vous interpréter s’intitule Rhazkashû Eamagreyth en langue orque, c’est à dire la « Légende des 49 Insoumis ». Elle raconte la libération d’un groupe d’esclaves sous le joug d’un général de l’Empire de Landis. C’est une chanson encore aujourd’hui très populaire à l’ouest de Terkân, une apologie de la liberté face à l’oppression ».

Bref, nos amis restent encore un bon moment à écouter ce barde versatile qui a sur séduire jusqu’au rude Sküm et finalement, un peu éméchés, ils décident de rentrer à l’auberge. Alors qu’ils longent un immense terrain vague d’où émergent des hauts pans de murs en ruine, nos amis entendent un hurlement de terreur provenant d'une rue adjacente. Ils accourent, pour découvrir un corps inerte face contre les pavés. Sküm est arrivé un peu avant les autres et a le sentiment d'avoir aperçu une ombre s'évanouir dans le sol.

- Par là-bas, j’ai vu une silhouette, mais il n’y a plus rien maintenant, juste une bouche d’égouts…

Yjir examine le corps.

- Ca étrange, dit le druide après quelques instants. Corps mort mais aucune blessure apparente. En plus, lui être couvert de larves telles que moi jamais avoir vues…

C'est à ce moment là que cinq hommes de la Garde de Naïm font irruption sur les lieux.

- Halte ! Arrêtez-là !

Le sergent de la patrouille s’approche de nos amis et, voyant le corps au sol et Yjir penché dessus, prend un air connaisseur…

- Je vois, on assomme, on brigande ! dit-il à la cantonade. Arrêtez-moi ces bonnes gens, je sens qu’il y en a qui vont finir à Dzang ou aux Arènes !

Les gardes se rapprochent, mais Targedaël tente de raisonner le gradé obtus :

- Attendez deux secondes ! Nous venons de trouver ce cadavre ici ! Nous avons entendu un cri et nous sommes intervenus, au contraire, pour essayer d’aider quiconque se faisait agresser !
- Ah oui ? Il est mort dites-vous ? Eh bien, vous n’avez pas peur d’aggraver votre cas !
- Mais enfin, vous êtes aveugle ou quoi ? Regardez le cadavre, il est couvert de larves verdâtres, il en a plein la bouche. Vous croyez que ça vient de nous ?
- Non mais, vous n’allez pas m’apprendre mon métier ! rétorque le sergent, agressif.

Il examine néanmoins le corps et ne peut réprimer une grimace de dégoût. Il se relève, hésite un instant, et se rabat sur sa position préalable :

- Oui, enfin bon, il est mort, je trouve sur les lieux du crime une bande menée par un demi-orc, il n’y a pas besoin d’être un sage de Landis pour faire le lien, hein ? Allez, suivez moi au poste !

- Messire sergent, si je puis me permettre, interrompt Erasmus d’un ton conciliant. Notre ami Sküm a vu une silhouette s’évanouir dans les égouts. C’est sans doute là l’auteur des méfaits… Si vous y envoyez quelques uns de vos hommes, vous pourrez sans doute mettre la main rapidement sur le coupable…
- Hum… Les égouts… C’est à dire que… Nos hommes ne sont pas formés pour aller traîner dans les égouts…

Il s’approche de la plaque d’égout et là, il remarque à la lueur de sa torche de nombreuses larves verdâtres similaires à celles qui grouillent encore sur le corps.

- Ecoutez, j’ai une idée dit-il soudain, magnanime. Si vous pénétrez dans les égouts et que vous me ressortez le coupable, vous serez innocenté. Quant à moi, j’aurais élucidé un mystère de plus. Mais ne vous avisez pas d’essayer de filer à la Razemienne ! Le quartier va être bouclé !

Nos amis se regardent un instant, mais ils n’ont clairement pas beaucoup le choix…

- Bon, allons-y tant que la piste est fraîche résume Erasmus, alors que Sküm se sert de sa hache pour desceller la plaque d’égout.

Essayant tant bien que mal de ne pas sentir l’odeur épouvantable qui émane de l’égout, le demi-orc descend le premier. Quelques échelons de métal rouillé plus bas, il pose les pieds sur un sol de pierre recouvert de vase. Les yeux acérés que son sang orc lui a légués lui permettent de voir, malgré le peu d’illumination, des traces fraîches qui s’éloignent.

- C’est par ici. Prévoyez-vous de la lumière, il fait noir comme dans le trou du cul d’un elfe, ici… Et attention aux glissades !

Les quatre compagnons rejoignent donc le demi-orc dans les égouts sous le regard sévère de la garde de Naïm. Essayant sans grand succès d’avancer avec le minimum de bruit, nos amis suivent donc les traces laissées par l’assassin. Tout à coup, Yjir fait signe à tous de s’arrêter.

- Vous avoir entendu ?
- Non, entendu quoi, répond Targedaël, intrigué…
- Ca bruit humide, comme eau qui coule, puis bruit sec, comme porte qui claque…
- Ouais, ben en attendant, on est pas vraiment plus secs, nous, reprend Erasmus. Avançons !

Après quelques minutes de marche prudente, ils arrivent dans une pièce ouverte. Le couloir qu'ils suivent devient une passerelle qui surplombe un bassin d'évacuation d'eaux fangeuses profond d'un peu plus d'un mètre. Une corniche étroite fait le tour du bassin à la hauteur de la passerelle, ce qui permet d'en faire prudemment le tour sans se mouiller les pieds. Targedaël entreprend donc d’explorer les murs du côté gauche du couloir, tandis que Garwin fait de même de l'autre côté.

Targedaël avance donc à petit pas le long de la corniche, lorsqu’il aperçoit, sur le mur parallèle au couloir par lequel ils sont arrivés, un blason à moitié couvert de mousse, gravé dans la pierre d'un des murs. L’elfe le frotte de sa manche, pour en apercevoir le motif. Il représente un bras armé d'une épée émergeant de l'eau alors qu'un croissant de lune illumine la scène. L’elfe s’arrête et commence à tâtonner sur le mur autour du blason.

- Les gars, je sens qu’il y a un passage ici. Regardez : il y a un blason, et le mur sonne cr… Mais, qu’est-ce que… ?

L’elfe a senti soudain quelque chose de visqueux s'infiltrer dans ses chausses, une légère brûlure, et puis brutalement, il perd le contrôle de ses muscles et s'écroule dans la bassin. Ses compagnons sont stupéfaits et regardent, abasourdis, le bouillonnement d'eau autour de là où le corps de Targedaël a chu.

Sküm reprend le premier ses esprits et saute dans le bassin, hache levée. Seulement, il n'est pas facile de savoir où frapper. L’eau est trouble, et les bouillonnements n’indiquent qu’une localisation générale. Qui plus est, le demi-orc a peur de blesser Targedaël autant que son adversaire… Erasmus, quant à lui, tente de s'approcher par la corniche d’où l’elfe est tombé tandis qu'Yjir plonge à son tour, bâton d'une main et Pierre de Lumière de l'autre. Garwin, enfin, cherche à revenir par la corniche de l'autre bout de la pièce où il se trouve.

Yjir, ne pouvant pas combattre efficacement avec son bâton d'une main et la pierre dans l'autre jette la pierre à Erasmus pour que celui-ci puisse éclairer la scène. Malheureusement, le gnome, peu agile, laisse échapper la pierre qui tombe au fond du bassin, plongeant la pièce dans l’obscurité. « Et merde ! » s’exclame-t’il violemment.

Heureusement, Sküm n’est pas incommodé par la soudaine obscurité. Il aperçoit vaguement des tentacules, et une créature annelée s'avancer vers lui. Il lève sa hache pour un coup magistral, mais avant même qu’il ne puisse l’abaisser, plusieurs tentacules visqueux s'entourent autour de ses membres, et il ressent une étrange brûlure avant de perdre à son tour contrôle de ses muscles et de sombrer dans la fange.

Prestement, Erasmus prononce quelques mots dans le langage de la magie, et la petite pièce est de nouveau baignée de lumière. Yjir se dirige à son tour vers l’endroit où Targedaël a sombré, et, plongeant les mains dans l’eau, il trouve le corps inerte de l’elfe. Le hissant sur ses épaules, il fait quelques pas et le jette sur la passerelle sur laquelle sont maintenant Garwin et Erasmus. Ce dernier, d’ailleurs, ne se laisse pas troubler et, pointant de son doigt en direction d’un tentacule émergent, il projette une flèche d'énergie magique vers la créature qu'il aperçoit vaguement sous l'eau. Garwin, quant à lui, hisse tant bien que mal le corps de Targedaël. « Heureusement que les elfes sont sveltes » se dit-il lorsque, à bout de souffle, il parvient enfin à le poser sur la passerelle…

Yjir tourne maintenant son attention vers la créature monstrueuse. Le corps du demi-orc n’est que partiellement immergé, et le druide aperçoit un bec qui émerge de l’eau de temps à autre pour picorer un morceau de chair de sa victime. Armé de son bâton, Yjir frappe un premier coup, ce qui lui vaut de devenir le centre de l’attention du monstre aquatique. Les tentacules de celui-ci viennent l’enserrer, et il sent un venin tétanisant s’infiltrer dans ses veines. Bandant les muscles, il parvient à résister à la paralysie et frappe de nouveau la créature de deux coups magistraux de son bâton. Dans une gerbe de sang verdâtre, la créature sombre au fond du bassin.

Yjir sort la tête de Sküm de l’eau et, le traînant tant bien que mal, il le ramène à son tour au niveau de la passerelle. Erasmus et Garwin ont bien du mal à le hisser, bien que le druide pousse par dessous de toutes ses forces. Finalement, ils parviennent à l’allonger non loin de Targedaël, et Yjir les examine.

- Eux respirer normalement, dit le druide. Eux pas sous l’eau assez longtemps pour avaler beaucoup. Nous les frictionner pour aider paralysie à s’en aller.

Et nos trois amis de frictionner les deux combattants nominaux du groupe, qui ont fait bien piètre figure dans cette altercation là… Au bout de quelques minutes, la sensation est revenue dans les membres de Targedaël et de Sküm, et tous deux peuvent de nouveau marcher. Pendant qu’ils font quelques flexions pour chasser tout à fait la toxine paralysante, Erasmus et Yjir retournent vers l’endroit où Targedaël a trouvé le blason.

- Erasmus, toi savoir quoi dessin vouloir dire ? demande le druide.
- Yjir, combien de fois faudra-t’il que je te le répète, c’est un blason. Hum… Espee ascendante… Croissant de lune… Non, ça ne me dit rien. En tous cas, je suis à peu près sûr que ce ne sont pas des armes encore utilisées dans les Baronnies aujourd’hui, termine le gnome, pensif.
- Epée être utilisée dans Baronnie. Nous voir nombreux combattants avec épées ! le contredit le druide.

Erasmus lève les yeux au ciel.

- On devrait lui payer quelques cours d’Impérial, ça nous ferait des vacances… lance le gnome à la cantonade. Au lieu de dire des âneries, essaie plutôt d’appuyer sur les différentes parties du blason, pour voir si ça fait quelque chose.

Yjir presse d’abord l’épée, sans effet, mais lorsqu’il appuie sur le croissant de lune, un puissant déclic se fait entendre, et les deux compagnons constatent que le pan de mur devant eux semble prêt à pivoter. Le druide le pousse, et effectivement, telle une lourde porte en pierre, il s’ouvre sur un passage obscur.

- C’est par ici les gars, appelle le gnome.

Targedaël revient prendre la tête de l’expédition, suivi de Sküm. Ce sont le gnome et le halfelin qui ferment la marche. Alors qu’ils entrent à leur tour dans le couloir, Erasmus fait une dernière remarque :

- En tous cas, j’espère qu’on va pas rencontrer une bête qui se repère à l’odorat, sans quoi, autant se peindre en jaune et se mettre une plume dans le cul…

Le couloir qui suit est rectiligne et Targedaël n’en aperçoit pas l’issue. Tout occupé qu’il est à regarder au loin, il ne fait pas attention au léger cliquetis qui ponctue l’un de ses pas. Soudain, le sol se dérobe sous ses pieds. Il tombe dans la trappe qui vient de s’ouvrir et chute lourdement, et douloureusement.

- Toi aller ? demande Yjir.
- Ca pourrait aller mieux. Je crois que je me suis foulé quelque chose… Envoyez-moi une corde !

Nos amis se regardent.

- Qui avoir corde ? demande le druide.
- La mienne est à l’auberge, répond Sküm, légèrement amusé par la situation.
- Mais quelle bande de branques, s’exclame Erasmus…

Finalement, Sküm s’allonge au bord de la trappe et retient par les pieds Yjir qui lui même tend les mains à Targedaël. Celui-ci grimpe le long du dos druidique pour ressortir. Il est effectivement couvert de contusions, mais la blessure essentielle semble être celle qui affecte son honneur… Targedaël reprend donc la tête de la marche, épée en main, frappant chaque dalle pour déceler un éventuel indice permettant d’identifier le prochain piège.

- Euh, les amis, dit soudain Garwin d’un petite voix gênée, j’ai oublié de vous dire que… je m’y connaissais un peu en mécanismes, si vous voyez ce que je veux dire… Je ne sais pas si ce talent peut vous être utile…
- Tu veux dire que tu sais déceler les trappes ? rugit soudain Targedaël.
- Euh… C’est possible… Enfin, je veux dire, oui, enfin, théoriquement… Attention, c’est jamais garanti ces choses là…
- Viens devant tout de suite ! reprend l’elfe. J’ai pas envie de me refaire une descente de 6 mètres la tête la première !
- Euh… moi ? En tête ? Mais s’il y avait du danger ? demande le halfelin d’un air effrayé…
- Ici, et que ça saute ! insiste l’elfe en faisant sa plus grosse voix.

crypte_des_protecteurs.jpg


Le groupe reprend donc sa lente avancée avec Garwin en tête, tandis que Sküm ne peut s’empêcher de sourire du ridicule de Targedaël… Le couloir débouche finalement sur une pièce qui ne comporte rien d'autre que des débris de bois pourris de longue date qui semblent provenir de vestiges de tonneaux.

- A mon avis, autrefois, le passage devait déboucher à l’intérieur d’un tonneau creux, dit Garwin d’un air connaisseur.
- Tu m’en diras tant, rétorque Targedaël…

L’elfe et le halfelin franchissent prudemment l’ancien passage secret. Pourtant, cette petite pièce ne comporte rien. Une issue donne sur une salle plus grande qui a du autrefois contenir des coffres, malles, et autres étagères. Aujourd'hui, il n'en reste pas grand chose. Cette nouvelle pièce comporte deux autres issues en plus de celle par laquelle arrivent nos aventuriers : un escalier qui monte mais est complètement bouché par des éboulis qui paraissent quelque peu instables, et un couloir. Des blasons identiques à celui trouvé dans la pièce au bassin sont inscrits au dessus de ces deux issues.

Après une courte discussion, nos héros décident d’emprunter le couloir. Au bout de quelques mètres, celui-ci débouche sur une intersection. A quelques pas sur la droite, le couloir s’ouvre sur ce qui semble être une ancienne bibliothèque. Les murs sont couverts d'étagères en pierre et des vestiges de livres et de parchemins illisibles jonchent le sol. Le temps n’est visiblement pas le seul responsable de cette dévastation. Une courte exploration des débris permet à Erasmus de trouver une lourde boîte en métal qui ne semble pas avoir été ouverte mais qui porte des traces de griffures et de morsures.

- Garwin, tu pourrais vérifier que ce coffret n’est pas piégé, s’il te plait ? demande le gnome.

Le halfelin sort de sa besace quelques outils, et examine la serrure rouillée du coffret.

- Ca n’a pas l’air trafiqué, juste fermé à clé et sans doute un peu grippé… Tu veux que je l’ouvre ?
- Non, je veux le garder fermé pour m’en servir d’escabeau, rétorque le gnome avec son ironie habituelle...

Après quelques trifouillages, Garwin se tourne vers le gnome et, sans avoir ouvert le couvercle, dit : « A vous l’honneur, messire… ». Un peu hésitant, Erasmus ouvre le couvercle. A l'intérieur du coffret se trouvent deux livres, l'un qui semble bien conservé et l'autre très abîmé. Le livre bien conservé intéresse au plus haut point Erasmus qui déclare que lui seul est habilité à le lire, car il est en langage magique. Par contre, l'autre semble être une sorte de journal d'un Ordre de Chevalerie, l'ordre des Chevaliers Protecteurs. Seuls quelques extraits sont encore lisibles, et Erasmus les lit à haute voix pour que tous en profitent.

journal_des_protecteurs.jpg


La lecture de ces extraits, bien que soulevant de nouvelles questions, semble identifier le Tombeau de Varnôn que nos héros ont visité à leurs débuts comme l'entrée possible d'un laboratoire de magie planaire. Qui plus est, ils comprennent que l'Ordre des Chevaliers Protecteurs, bien qu'ayant de toute évidence eu un rôle important dans la sauvegarde des Baronnies Naïmides a été éliminé sous un prétexte qui n'est pas clair, peut-être pour des raisons politiques…

Nos amis discutent pendant quelques instants des implications de cette découverte, mais assez rapidement, Targedaël ; pragmatique, les rappelle à l’ordre :

- Les gars, je veux pas dire, mais on est en train de poursuivre un meurtrier dans des couloirs humides, il fait froid, et je suis contusionné de partout, alors si on pouvait remettre les palabres à plus tard, ça m’arrangerait bien…

Nos amis ressortent donc de l’ancienne bibliothèque, mais ils sont maintenant sur leurs gardes, armes au poing, ne sachant pas ce qui a pu causer le vandalisme et les traces de griffes et de dents qu’ils y ont vu. Ils s’engagent dans l'autre extrémité du couloir qui débouche finalement sur une crypte. La longue pièce est la demeure éternelle de huit tombeaux surmontés de gisants représentants des chevaliers en armure. Les blasons de ces chevaliers, bien que tous différents, reprennent des éléments du blason déjà aperçu : épée sortant de l'eau, rivière ou croissant de lune.

Après un examen rapide de la pièce, l’elfe annonce qu’il soupçonne la présence d’un passage sur le mur du fond.

- Comment tu fais ça ? demande Garwin à Targedaël, aussi curieux que frustré.
- Comment je fais quoi ? demande l’elfe sèchement.
- Ben, savoir qu’il y a un passage là… Tu vois à travers les murs ?
- Evidemment que non. Je le sais, c’est tout. Je sens quelque chose de… différent quand je me tiens ici. C’est un instinct, quoi…
- Bien pratique, répond le halfelin, pensif…

Tous se mettent donc à la recherche d’un mécanisme permettant d’ouvrir le passage identifié par l’elfe, et c’est finalement le halfelin qui le trouve, sur la façade de l’un des tombeaux : « Là, ce croissant de lune, je crois qu’il pivote. Je l’actionne ? » demande-t’il à ses compagnons. Après approbation, Garwin fait pivoter le croissant de lune et un pan du mur du fond se dérobe en effet. Il mène à une pièce plus petite où trône un autel. Celui-ci est décoré de nombreuses lunes ornementées, mais n’a pas d’autre signes distinctifs. Une recherche approfondie permet à Yjir d’y découvrir une petite cavité qui abrite un levier. Ne sachant pas à quoi il sert, Yjir l'abaisse prudemment. Rien ne se passe, et nos amis décident donc de continuer leur route par le couloir qui s’ouvre à partir de cette petite pièce.

Nos amis parcourent quelques mètres dans ce nouveau couloir. L’air y est humide et une désagréable odeur de terreau moisi flotte dans l’air. Garwin et Erasmus forment l’arrière-garde du groupe et discutent à voix basse :

- Je n’aime pas ça, dit Garwin
- Mouais… Ca sent pas bon, à tous les sens du terme…
- C’était quoi le terrain vague au-dessus de nous ? J’espère que c’était pas un cimetière…

Tous deux se regardent, et Garwin, n’osant pas mener jusqu’au bout son raisonnement, frissonne d’inquiétude… Quelques mètres plus loin, il lui semble entendre un bruit, plus bas dans le couloir.

- Chut ! Arrêtez-vous, dit-il à ses compagnons.

A quelques mètres d’eux, la lueur du galet enchanté qu’Yjir brandit au dessus de sa tête dessine tout juste un embranchement en croix à quelques mètres plus loin.

- Qu’est-ce que tu as entendu ? demande Erasmus au halfelin.
- Je ne suis pas sûr… Un frottement de pieds ? Un grattement ?

Targedaël et Sküm, qui forment la tête du groupe assurent leur prise sur leurs armes respectives et, maintenant mis en garde, ils reprennent lentement leur avance. Alors qu’ils arrivent au niveau du croisement, deux créatures horribles et décharnées se jettent sur eux ! Garwin pousse un hurlement et, sortant sa courte épée, il recule héroïquement de quelques mètres… Sküm n’attend pas que les être immondes ne le frappent, il abat sa hache sur l’un d’eux et le tranche en deux ! Mais deux autres des créatures émergent derrière les premières, et l’une d’entre elles parvient à lui griffer la cuisse. Il sent une torpeur envahir ses muscles et, pour la deuxième fois dans la même journée, il perd le contrôle de ses muscles et s’effondre.

Targedaël, pendant ce temps, élimine prestement une autre des créatures, mais se retrouve seul face aux deux autres. Deux coups de pattes griffues plus tard, il a sombré dans l’inconscience sous l’accumulation des blessures mineures qu’il a subies depuis qu’ils sont rentrés dans les souterrains. C’est donc de nouveau à Yjir qu’il revient de sauver la mise à nos amis puisque Garwin est trop loin (et trop peureux) pour intervenir et qu’Erasmus, ne disposant de sortilèges appropriés, se démène pour enclencher un carreau dans son arbalète. Avec un peu de chance et un peu de talent, le druide parvient à éviter les coups des deux êtres décharnés et à leur en asséner quelques uns. Un carreau bien placé par Erasmus finit d’achever une des créatures tandis que l’autre a le crâne fracassé par le lourd bâton du druide.

- Heureusement que nous avoir fier guerriers dans groupe, dit Yjir non sans une certain ironie.
- Occupe-toi de Targedaël au lieu de philosopher ! rétorque Erasmus, qui a déjà pour sa part commencé à frictionner Sküm, dont il peut lire l’intense frustration dans le regard…

Quelques minutes et grâce à l’intervention bienveillante des forces de la nature par l’intermédiaire d’Yjir, l’elfe et le demi-orc sont sur pied. Targedaël se sent encore faible, mais Sküm, quant à lui, fulmine :

- Ca commence à bien faire, les saloperies qui me paralysent ! Le prochain truc qu’on rencontre, je vous jure que je vais me le faire !

Même Erasmus, qui n’a pourtant pas sa langue dans sa poche, préfère ne pas répondre… Il n’a jamais vu le demi-orc aussi en colère ! Garwin, pendant ce temps, a examiné les cadavres purulents des créatures, en faisant bien attention de ne pas les toucher.

- Les gars, je crois que j’étais pas loin avec mon idée de cimetière : à mon avis, ces bébêtes sont des goules. Elles hantent fréquemment les endroits où les cadavres sont enterrées, car elles sont nécrophages… Enfin, à ce qu’on raconte, hein…
- Quant à moi, renchérit Erasmus, je pense qu’il s’agit des mêmes créatures qui pressaient leur visages simiesques contre le mur invisible dans le Tombeau de Varnôn…

Effectivement, la ressemblance est frappante.

- Au moins, on saura qu’il faut se méfier si l’on y retourne un jour… dit Targedaël.

Nos amis, pressés par le temps, décident de laisser pour l’instant inexplorés les deux couloirs latéraux par lesquels les goules sont arrivées, et ils continuent tout droit. Après quelques mètres, le couloir s’ouvre sur une petite pièce ronde au centre de laquelle trône une state. Elle représente une femme vêtue d’une toge incrustée d’épis de blé. Autour du cou de la statue est sculpté un médaillon en forme de croissant de lune et sur son épaule se tient un petit écureuil.

- C’est une représentation de la déesse Zendâ, annonce Erasmus, prenant sa voix de docte professeur. Le blé de la robe symbolise la fertilité, et l’écureuil est l’animal qui lui est associé car il sait toujours tirer le meilleur parti des récoltes et en met de côté pour passer l’hiver. Quand au croissant de lune, je ne vous fais pas un dessin…
- Moi penser nous être dans ancienne crypte secrète d’Ordre des Chevaliers Protecteurs. Eux vénérer déesse Zendâ, non ? hasarde Yjir.
- Ouais, ben ça nous explique pas le cadavre là-haut et les larves qui traînent partout, alors finissons le boulot pour lequel on a été mandaté, on pourra reparler d’ordres de chevalerie disparus depuis 500 ans plus tard ! les reprend Targedaël, qui décidément souhaiterait retrouver son lit d’auberge au plus vite…

Le couloir continue derrière la petite pièce ronde, après quelques mètres supplémentaires de couloir, nos héros aboutissent à une porte délabrée et entrouverte. Targedaël la pousse du bout de son épée. Dans un grincement épouvantable, elle s’ouvre pour laisser entrevoir une pièce rectangulaire et obscure au centre de laquelle trône, posé sur des tréteaux de pierre, un cercueil ouvragé. Contrairement à tous les vestiges d’objets aperçus lors de l’exploration de la crypte, le bois de ce cercueil a l’air superbement conservé. Des larves vert sombre jonchent le sol autour du cercueil. La pièce ne semble pas avoir d’autre issue.

Prudemment, armes aux poings, nos héros s’approchent du cercueil et l’entourent. Celui-ci est perché trop haut pour qu’ils ne puissent voir son contenu. Rien ne bouge dans la pièce et le silence est pesant. Finalement, avec une prudence infinie, Yjir se hisse sur la pointe des pieds et regarde à l’intérieur du cercueil. Brutalement, deux mains décharnées lui attrapent le visage et presse la bouche du druide contre la sienne, répugnante. La créature vomit alors un torrent de larves verdâtres dans le gosier du druide qui, se débattant, fait tomber du cercueil la créature avec lui. Sküm lève sa hache, mais il ne voit pas comment frapper sans risquer de toucher son ami.

Yjir continue à se débattre, mais la créature le fait rouler sous le cercueil, où les autres ont du mal à l’atteindre avec leurs armes. L’être continue à forcer à l’intérieur d’Yjir ses larves immondes. Le druide suffoque et continue de se débattre, sentant confusément que s’il perd connaissance, s’il se laisse aller, c’en sera fini de lui et, peut-être, lui aussi deviendra comme l’être immonde contre lequel il se bat. C’est finalement Garwin qui, prenant son courage à deux mains est assez petit pour se faufiler sous le cercueil et, d’un coup magistral de son épée courte, il parvient à décapiter l’ignoble corps larvesque.

Yjir continue à se débattre spasmodiquement tandis que Sküm l’attrape et le sort de sous le cercueil.

- Il faut lui faire vomir les larves, vite ! crie Targedaël. Sküm, ceinture le par derrière et appuie du plus fort que tu peux sur son estomac !

Le demi-orc attrape en effet le druide comme le lui indique Targedaël et, d’une pression sur son abdomen déclenche un mécanisme de régurgitation. Yjir vomit violemment et des larves verdâtres sont projetées aux quatre coins de la pièce. Erasmus et Garwin entreprennent d’écraser de leurs bottes toutes celles qu’ils aperçoivent. L’odeur devient vite insoutenable et, une fois qu’Yjir semble avoir repris sa respiration, nos amis décident de quitter la pièce.

A l’extérieur de la pièce, Sküm, qui soutient Yjir, interpelle les autres :

- Les gars, j’ai bien peut que si nous voulions nous disculper il nous faille ramener le cadavre de la chose...

Les quatre aventuriers se regardent (Yjir n’est pas en état de commenter) n’osant pas répondre à la question silencieuse de qui va porter cette immonde cadavre…

- Et si on explorait les deux couloirs qu’on a passé à l’aller avant de se décider ? suggère Erasmus.

Ainsi, nos amis retournent un peu plus haut dans le couloir. L’embranchement de droite, par lequel les premières goules avaient surgies, mène à une pièce à moitié effondrée dont le sol est recouvert d’un terreau malodorant. Au fond de la pièce, un trou dans le mur débouche sur une galerie de terre qui semble remonter vers la surface. Garwin, fort de son « expérience » des goules suggère que la galerie mène sans doute à l’ancien cimetière probablement situé au-dessus.

Nos amis renoncent à s’engager dans cette galerie et rebroussent chemin pour aller explorer l’autre portion du couloir. Là, ils découvrent dans une pièce qui servait visiblement de remise, plusieurs cadavres. Certains semblent, aux insignes que l’on aperçoit encore sur leurs cottes de maille, avoir été des Chevaliers Protecteurs. Les autres, sans doute adverses, portent le blason du Rubis surplombant les remparts, les identifiants dont comme des représentants de la Garde Rubis.

- Ca veut dire quoi, à votre avis ? demande Targedaël qui, maintenant que le danger semble écarter et que le retour se précise, daigne s’intéresser aux mystères de la crypte.
- Sans doute que lorsque les Chevaliers Protecteurs ont été mis hors la loi, ils ont été pourchassés. Au-dessus de nous, si je ne m’abuse, il y a les vestiges d’une cathédrale. Je ne serais pas surpris qu’elle ait été autrefois vouée au culte de Zendâ… C’est sans doute là que l’escalier qu’on a vu plus tôt devait mener. La garde pourpre a du investir la Cathédrale et descendre ici pour arrêter les Chevaliers, Ils ont trouvé le passage secret derrière les tombeaux, ils se sont battus, et d’une manière ou d’une autre, l’escalier s’est effondré. Ca expliquerait que les cadavres des Gardes Rubis soient encore là aujourd’hui…

Finalement, ayant exploré toutes les allées d’investigation, nos amis se décident à retourner à la surface. C’est finalement Targedaël qui porte dans un sac les restes de la créature habitée de larves. Il ne peut s’empêcher, à plusieurs reprises, de regarder le sac pour vérifier que celui-ci ne bouge pas de son propre vouloir, mais lorsque nos amis émergent finalement, quelques heures après être entrés dans les égouts, il semble bien que la créature n’aie pas retrouvé la vie. L’air comparativement frais de l’extérieur ravive quelque peu Yjir qui peut de nouveau marcher sans l’aide de Sküm.

Quelques instants après avoir refermé la plaque d’égout, un garde de Naïm s’approche des personnages. Le sergent qui a forcé la main à nos héros pour qu’ils poursuivent le meurtrier dans les sous-sol de l’Ile des Protecteurs ne semble pas présent.

- Messires, interpelle le garde, le Capitaine de la Garde du district des Protecteurs souhaiterait vous rencontrer… Si vous voulez bien me suivre…

Un peu abasourdis et très fourbus, nos amis suivent néanmoins le garde, qui les mène au poste central de l’Ile des Protecteurs. Là, un homme d’une cinquantaine d’années, les cheveux grisonnants mais le regard clair et décidé les invite dans son bureau.

- Je me présente : Estrin Almerrio, capitaine du district. Il y a quelques heures, le sergent Mehari a fini sa tournée et m’a fait son rapport. Il m’a expliqué le plus naturellement du monde qu’ils vous avait forcé à pénétrer dans les égouts pour rattraper un meurtrier qu’il aurait du poursuivre lui-même. Je tenais à vous faire mes excuses pour cet abus d’autorité et vous informer que le sergent avait été mis aux arrêts.
- Vos excuses sont acceptées. Voici le meurtrier, dit Targedaël sèchement en lâchant le sac au contenu macabre qu’il transporte depuis le fond de la crypte. Cette créature semble habitée de larves. Notre ami Yjir ici présent a été attaqué par elle et il a failli succomber. Il pense que, d’une manière ou d’une autre, la créature semblait vouloir se « reproduire ».

Le capitaine ne peut réprimer un grimace de dégoût.

- Plusieurs corps ont été retrouvés morts ces derniers jours aux alentours de la cathédrale. Nous examinerons ces restes, et j’espère bien qu’il s’agit là du meurtrier. Encore une fois, je vous remercie, et je vous prie de me pardonner pour cet incident. Il se termine bien, mais j’imagine que votre exploration des égouts n’a pas été de tous repos. Il est vrai que nos hommes sont de moins en moins enclins à les explorer : les créatures qui vivent dans ces eaux fangeuses sont de redoutables prédateurs…
- Ca n’a pas été évident effectivement. Maintenant que vous avez votre coupable, nous souhaiterions pouvoir prendre congé et terminer notre nuit plus calmement que nous ne l’avons commencée, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, lui répond Targedaël.
- Bien sûr ! Avant de vous laisser partir, une dernière question : il arrive que nous faisions appel à des ressources extérieures à la Garde pour certaines enquêtes lorsque nous ne disposons pas d’assez de main d’œuvre. Ces prestations sont rémunérées, bien sûr, et vous semblez avoir fait preuve des qualités que nous cherchons parfois pour ce type de missions. Seriez-vous prêt à me laisser vos noms pour que nous puissions faire appel à vous si jamais vous êtes à Naïm et que nous cherchons des gens compétents ?

Nos amis se regardent.

- En ce qui me concerne, cela ne pose pas de problème, dit Erasmus. Je suis Erasmus le mage.

Garwin regarde son ami puis, se décidant à son tour, il laisse son nom. Yjir en fait autant, mais Targedaël refuse poliment, ne souhaitant pas se créer d’attaches pour l’avenir. Quant à Sküm, l’attitude du sergent de la garde lui reste en travers de la gorge, et il décline donc lui aussi la proposition du Capitaine Almerrio.

Finalement, ce n’est pas loin de l’aube que nos amis réintègrent leur auberge, fourbus, blessés et, pour certains, quelque peu affectés par les visions d’horreur de la nuit… Yjir met un moment avant de pouvoir s’endormir mais, finalement, la nature prend le dessus et il sombre dans un sommeil peuplé de songes grouillants et visqueux…
 
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Sammael99

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Commentaire sur l'épisode 3 : La Crypte des Protecteurs

Comme Horacio l'a bien noté, ce scénario est un peu le début de la campagne proprement dite, c'est là qu'on sent que se trouve la viande autour de l'os. Le crime et la créature bizarre n'étaient que des excuses pour faire découvrir aux personnages l'existence des Chevaliers protecteurs. Pour vous nombreux lecteurs (enfin, pour Horacio ;)) voici donc quelques éléments de commentaires :

Les Chevaliers Protecteurs : Les Chevaliers Protecteurs étaient un ordre de chevalerie qui s'est fondé dès les débuts historiques des Baronnies Naïmides sur la base du culte de Zendâ la Protectrice (première lune et déesse de la fertilité, de la famille et de la protection) avec pour mission d'oeuvrer toujours pour la survie des Baronnies. Les quatre extraits des vestiges du journal se rapportent à quatre éléments de l'histoire de l'ordre, trois qui concernent directement la campagne, et un (le premier) qui sert surtout de piste pour une éventuelle aventure plus tard. Nous reviendrons un peu plus tard sur l'ordre lorsque les personnages auront trouvé plus d'informations. Ce qui est apparent, c'est que l'ordre a été persécuté et anéanti. Pourquoi, nul ne le sait...

La cité-état de Glass : La cité-état de Glass est une force politique dont l'histoire est intimement mêlée à celle des Baronnies Naïmides. Les Baronnies se sont constituées il y a environ 1000 ans en résistance à la persécution des "Armées Diaboliques" de Glass. Depuis, Glass a tenté par trois fois d'envahir et d'anéantir les Baronnies, mais a échoué trois fois. Ces guerres sont appelées les Guerres Diaboliques, et nous aurons l'occasion de revenir sur leur déroulement plus en détail.

Le tombeau de Varnôn : On y revient : il paraît clair que le Tombeau de Varnôn a été construit sur un laboratoire magique et qui plus est d'une magie liée aux plans. Pour l'instant les personnages n'en savent pas beaucoup plus.

En fait, à la fin de cette aventure, Erasmus est allé s'enrôler à la Guilde de Haute-Magie et a demandé à un bibliothécaire là-bas de faire des recherches sur les différents soujets soulevés par cette aventure, en particulier les Chevaliers Protecteurs, la magie Extra-Planaire et Anaëvor.
 
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Horacio

LostInBrittany
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Re: Commentaire sur l'épisode 3 : La Crypte des Protecteurs

Sammael99 said:
Pour vous nombreux lecteurs (enfin, pour Horacio ;)) voici donc quelques éléments de commentaires :

Je suis presque sur que il y a beaucoup plus de lecteurs, je suis seulement le plus enclin a ecrire :)

:D
 


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