Après quelques instants de discussions devant la boutique de Skie, les compagnons avaient finalement décidés d'aller passer la nuit à l'auberge du Vieux Saoulon. C'était un grand édifice donnant sur l'avenue de l'Obsidienne près de la porte Ouest. L'endroit y était certes achalandé, mais les repas y étaient plus variés qu'au monastère et les lits un peu plus confortables.
À l'approche de l'endroit, les compagnons constatèrent que l’auberge était particulièrement achalandé. À croire, que la pluie incessante des derniers jours avait poussé les habitants de la ville à chercher des distractions dans les salles communes des auberges et des tavernes. Déjà en s'approchant de la porte principale, les éclats de rire, le son de la musique et le bruit des pas de danse se faisait entendre. Alors qu'il y a à peine quatre jours, Chaudière semblait crouler sous le poids oppressant du désespoir, la vie semblait avoir retrouvé aujourd'hui la chaleur de la joie de vivre.
On aurait dit que cette atmosphère de réjouissance s'était transportée jusqu'aux cieux. Le soleil qui avait à peine réussi à se pointer de bout du nez au cours des derniers jours parvenait à percer légèrement le couvert nuageux, réchauffant du même coup l'atmosphère. Quelque chose avait changé à Chaudière et c'était pour le mieux.
Puis, Valishan ouvrit la porte de l'auberge et tout s'arrêta net. Un silence de mort envahi l'auberge alors que toutes les têtes se tournaient vers la porte d'entrée. La foule observait avec méfiance ceux qui venait déranger leurs réjouissances d'avant-midi. Le barde, qui une seconde plutôt jouait sur sa viole une version osée de La bergère au gué s'était arrêté net, laissant planer un accord sur ce moment franchement inconfortable.
«Ce sont eux !»
Le cri avait retenti brisant le silence comme un miroir qui éclate. C'était le barde qui avait lancé l'appel et aussitôt la foule s'était levée et précipité sur la porte. Valishan, Naline, Imay et même le pauvre Nárin, qui ne savait pas s'il devait fuir ou tuer toutes ces innocentes gens, furent saisis dans l'allégresse et transportés à bout de bras jusque sur la scène.
«Mesdames et Messieurs, je vous présentes les Héros de Jzadirune, les Pourfendeurs de Trafiquants, les Libérateurs de Chaudière, clama le barde au-dessus des hourras de la foule. Voici Imay Boischatel, Naline Yeux-de-Soleil, Altran du Lac, Valishan l’elfe et finalement Nárin Mûzar Baruk, vos héros qui nous ont rendus nos enfants et nous permettent ces réjouissances.»
À ces mots, des applaudissements tonitruants se firent entendre. On tapait des mains, on tapait des pieds, si bien que les diverses peintures qui décoraient la salle menaçaient de se décrocher.